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Le projet de loi C-7, une question de vie et de mort

by Dulcie McCallum
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La valeur du capital canadien sur le marché mondial des droits de la personne est sur le point de s’effondrer. Par une perverse ironie du calendrier, pourrait-on dire, la partie de ping-pong entre la Chambre des communes et le Sénat autour du projet de loi C-7 – lequel prévoit des changements fondamentaux aux critères sur l’aide médicale à mourir (AMM) – coïncide avec la semaine marquant le 11e anniversaire de la signature, par le Canada, de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

À titre de conseillers spéciaux et membres de la délégation canadienne ayant participé à l’ONU aux négociations ayant mené à la Convention, nous nous sentons obligés de prendre la parole, car nous estimons que le Canada s’apprête à commettre une violation grave du droit. Le premier ministre Trudeau doit prendre conscience qu’il met aujourd’hui gravement en jeu sa réputation comme ardent défenseur des droits de la personne tant au Canada qu’à l’étranger.

Notre message vise à rappeler au premier ministre et à son gouvernement les obligations en matière de droit international que lui impose la Convention relative aux droits des personnes handicapées, signée et entérinée par notre pays, ainsi que nos engagements en vertu de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, véritables pierres d’assise du système onusien.

Au cœur de nos obligations juridiques figurent le droit à l’égalité et la non-discrimination – c’est-à-dire le droit de bénéficier, aux yeux de la loi et en vertu de la loi, d’une protection égale exempte de discrimination fondée sur le handicap.

Le projet de loi C-7 contreviendrait directement aux obligations imposées par la Convention, qui garantit aux personnes vivant avec un handicap la protection de la loi au même titre que tout autre citoyen. Comment? La nouvelle loi permettrait un traitement différentiel fondé uniquement sur le handicap, en étendant l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant d’une maladie invalidante, mais dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible.

Si le projet de loi est adopté, mettre fin à la vie d’une personne au seul motif qu’elle vit avec un handicap deviendra parfaitement légal. Le fait que les parlementaires ne saisissent pas que celui‑ci détourne de sa véritable finalité le droit à l’égalité et à la non-discrimination est très inquiétant.

Ce projet législatif renforce les perceptions et les stéréotypes négatifs envers les personnes vivant avec un handicap ou qui avancent en âge; il débouche sur une loi qui repose sur des critères discriminatoires et nuisibles fondés sur le capacitisme et l’âgisme. Les légistes ont ainsi inscrit dans le Code criminel un cruel revirement du sort qui transforme la facilité d’accès à l’aide médicale à mourir en bienfait pour les personnes handicapées.

Nous ne sommes pas les premiers à signaler au premier ministre que cette législation contrevient directement au droit international. Un groupe de rapporteurs spéciaux de l’ONU ont d’ailleurs exprimé leur inquiétude à ce sujet dans une déclaration publiée au début de l’année : « Le handicap, peut-on y lire, ne devrait jamais être considéré comme un motif valable pour mettre fin directement ou indirectement à la vie d’une personne ». [notre traduction]

Ces experts internationaux poursuivent en faisant précisément valoir que si elle autorisait ce genre de traitement différentiel, la loi « institutionnaliserait et autoriserait le capacitisme », une violation flagrante de la Convention.

Sont ici en jeu le principe même de l’égalité et son application aux personnes handicapées, résultat qui entraînera à long terme des répercussions préoccupantes. Qui adopte des mesures spéciales pour soumettre les personnes handicapées à des règles distinctes et discriminatoires risque d’engendrer un monstre juridique capable d’anéantir des droits dans d’autres contextes.

Le projet de loi C‑7 cherche à redéfinir la « mort » comme un bienfait, mais seulement pour les personnes vivant avec un handicap ou une maladie débilitante. La crainte de voir l’histoire se répéter perdure, et à juste titre. Comme l’a écrit Catherine Frazee, militante pour les droits des personnes handicapées, « rien de ce qui concerne la mort médicalement assistée n’est anhistorique ».

Le trio d’experts internationaux précité a posé au Canada trois questions en lui demandant de s’expliquer sur la violation imminente de ses obligations en matière de droit international. Au moment d’écrire ces lignes, le Canada n’avait pas encore réagi. Peut-être qu’en s’efforçant de trouver une réponse, le gouvernement pourrait se poser une question toute simple : considère-t-il que la vie des Canadiens et des Canadiennes vivant avec un handicap a une valeur moindre que celle de leurs concitoyens?

Photo gracieuseté de Pixabay
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