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Élections Canada peut-il suivre le rythme de la démocratie?

by Peter MacLeod
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D’autres élections fédérales ont eu lieu. Le 20 septembre, la population canadienne s’est rendue aux urnes et a donné son avis sur la façon dont le gouvernement a géré la pandémie, l’économie, la crise climatique mondiale et bien d’autres choses encore. Et comme pour toutes les élections depuis 1920, Élections Canada a rendu service à notre démocratie.

Pendant douze heures le jour des élections, une petite armée de personnel temporaire a ouvert 20 000 bureaux de vote, a vérifié l’admissibilité des électeurs et accepté plus de 20 millions de bulletins de vote. Cette énorme opération, qui s’est chiffrée à 600 millions de dollars et a couvert six fuseaux horaires, aurait pu susciter un respect mêlé de crainte au commandant militaire le plus endurci.

Élections Canada est l’une des institutions publiques inspirant le plus confiance au pays, et ce, à juste titre. Le problème est qu’Élections Canada n’est plus à la hauteur de la tâche. Ou plutôt, après 100 ans, il est temps que la tâche change.

La démocratie canadienne est malmenée sur beaucoup de fronts. Comme nous le rappelle le Baromètre de la confiance, un rapport annuel sur la confiance établi par Edelman, le géant des relations publiques, les changements survenus dans le paysage médiatique, en particulier l’avènement des médias sociaux, ont entraîné une augmentation alarmante de la désinformation et de la méfiance, ainsi qu’une diminution correspondante de la confiance dans les institutions publiques, y compris la démocratie représentative.

Les sensibilités populistes se répandent et les groupes nativistes gagnent du terrain au Canada. Des campagnes parrainées par les gouvernements de la Chine et de la Russie qui visent à saper nos engagements démocratiques et à déstabiliser notre contrat social alimentent cette dissension. De façon frappante, la pandémie a mis encore plus en évidence les lacunes importantes dans notre capacité à nous mobiliser et à communiquer avec le public pour surmonter une crise nationale.

Pour faire face à ces crises et surmonter le défi qu’elles posent à notre démocratie, il faut que des organismes comme Élections Canada évoluent en se dotant d’un mandat adapté au contexte actuel. Comme les politologues Roland Paris et Jennifer Welsh l’ont soutenu récemment, investir fortement dans la promotion de la démocratie à l’étranger et – surtout – au pays devient de plus en plus en soi une question de sécurité nationale.

La citoyenneté démocratique active ne devrait pas être un exercice quadriennal. Elle devrait être un impératif national auquel on accorde une attention quotidienne, un budget élevé et un mandat officiel.

C’est pourquoi le prochain gouvernement devrait transformer Élections Canada en Services démocratiques Canada, un nouvel organisme dont le mandat serait élargi pour mobiliser et informer la population canadienne également hors des périodes d’élections. En travaillant régulièrement pour les Canadiens et les Canadiennes, et non pas seulement pendant les élections, Services démocratiques Canada serait responsable de promouvoir la participation dans les institutions publiques du pays et de donner à la population plus de moyens d’agir que jamais auparavant.

À la base, Services démocratiques Canada serait chargé d’arrêter et de renverser la baisse du taux de participation. Mais la clé de son mandat consisterait à s’attaquer à l’une des questions les plus épineuses auxquelles sont confrontées les sociétés libres, à savoir comment faire pour que les résidents soient informés, actifs et responsabilisés.

À cet égard, les possibilités sont vastes. Services démocratiques Canada pourrait mettre en place une plateforme de « défis civiques » permettant de mobiliser rapidement des dizaines de milliers de personnes pour répondre à des crises comme une pandémie ou un afflux de réfugiés.

Il pourrait remettre « des bulletins de vote participatifs » pour démocratiser plus de 2 000 nominations publiques fédérales ou appuyer le travail des bureaux de circonscription en tant que meilleurs sites d’apprentissage et de mobilisation du public sur la législation et les questions d’actualité. Il pourrait remanier le système d’assignation des jurés pour le rendre plus équitable et plus axé sur les citoyens. Il pourrait rendre des programmes culturels, de service et d’échange accessibles à tous les jeunes du pays.

En observant les innovations à l’étranger, Services démocratiques Canada pourrait s’inspirer de Taïwan, où une première « ministre du Numérique » montre comment les technologies en ligne réussissent à mettre à profit les idées et la participation de millions de citoyens et citoyennes. Ou il pourrait copier la Belgique, où des citoyens sélectionnés au hasard ont commencé à siéger à des comités parlementaires aux côtés de députés élus.

En France et dans de nombreux autres pays, y compris le Canada, des assemblées, des jurys et des comités de citoyens ont réussi à obtenir d’importantes réformes touchant notamment les changements climatiques et une plus grande équité entre les hommes et les femmes. Comme le Danemark, le gouvernement canadien pourrait mettre en place un système national de courriel sécurisé qui non seulement simplifie les communications gouvernementales, mais sert régulièrement à obtenir des commentaires et à transmettre des renseignements précis.

Les élections de 2021 nous ont rappelé que le vote n’est pas le seul moyen par lequel la population souhaite participer à la construction de son avenir – les problèmes sont trop importants pour qu’on les laisse aux vents capricieux de la politique. Ce dont la démocratie canadienne a besoin pour les cent prochaines années, ce n’est pas seulement d’un gardien de confiance du processus électoral, mais d’un agent actif de services démocratiques et d’innovation, qui privilégie à la base le rôle des citoyens et des citoyennes dans notre démocratie de façon soutenue et systématique.

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Photo reproduite avec l’aimable autorisation d’iStock

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