Je fais partie d’un groupe démographique invisible. Et pourtant, étonnamment, mon fils et moi ne pouvons pas quitter la maison sans nous faire remarquer, où que nous allions.
Le monde médical définit mon fils de sept ans comme un enfant aux besoins médicaux complexes. Il est non verbal, mais son sourire parle haut et fort. Il est charmant et espiègle, sensible et affectueux.
J’ai l’impression que mon fils est mon agent perturbateur personnel tout en me sauvant d’une vie moins vécue.
Il me fait voir un monde d’amour et de beauté, ainsi que de discrimination et d’injustice. Il est handicapé. Handicapé par un monde qui n’est pas conçu pour lui et qui semble parfois s’employer à l’opprimer et à le rejeter.
Laissez-moi vous en dire un peu plus. En dépit de mon privilège inhérent, je me retrouve à lutter pour pourvoir à nos besoins essentiels, et je ne suis pas la seule. Des milliers de familles comme la mienne partout au pays doivent lutter tous les jours.
La pauvreté des personnes ayant des déficiences commence à la naissance pour de nombreux enfants dans notre pays, mais je sais que cela peut vous surprendre. Vous n’étiez probablement pas au courant.
Les familles comme la mienne font face à une juxtaposition constante. Nous tentons d’économiser et d’être prévoyants, car nos enfants dépendront toujours entièrement de nous, bien après l’âge de 19 ans, et auront besoin d’assistance 24 heures sur 24 pour satisfaire à leurs besoins quotidiens. En même temps, nous nous préparons en sachant qu’ils pourraient ne pas fêter leur prochain anniversaire. Nous pleurons régulièrement avec d’autres parents et amis qui ont perdu leurs enfants à un très jeune âge.
Avec les enfants, la vie reste certainement vraie et crue.
Nous vivons dans un pays et une société qui souscrivent verbalement à l’inclusion, à la diversité et à l’équité pour les personnes handicapées, mais nous sommes continuellement laissés pour compte quand il s’agit de mesures de soutien réelles et tangibles pour répondre aux besoins de nos enfants.
Nos concitoyens et concitoyennes présument que nous sommes « couverts » pour les besoins de nos enfants. Mais ce n’est pas le cas.
Saviez-vous que la plupart des familles au Canada doivent couramment payer de leur poche des sommes importantes pour se procurer de l’équipement médical de base comme des fauteuils roulants et des déambulateurs? Nous portons de lourds fardeaux financiers, notamment quand il s’agit de grosses dépenses comme des travaux d’adaptation du domicile ou du véhicule.
Vous ne savez peut-être pas non plus que les familles comme la mienne n’ont pas accès à un soutien du revenu qui reconnaît les exigences liées aux soins de nos enfants (24 heures sur 24) et les obstacles à l’emploi que cela crée.
La Prestation pour enfants handicapés du gouvernement fédéral est seulement d’environ 240 $ par mois et elle est versée uniquement aux familles dont le revenu est le plus faible parmi les faibles revenus au Canada. Cette prestation devait doubler et figurait parmi les promesses des libéraux lors des dernières élections, mais nous attendons toujours.
Les libéraux ont également promis une Prestation canadienne pour les personnes handicapées et ont récemment déposé un projet de loi en ce sens, mais c’était en grande partie d’un geste symbolique puisque le Parlement a fait relâche peu de temps après et que des élections ont été déclenchées.
Les promesses, les meilleures intentions et les gestes symboliques ne suffisent pas. Et les besoins des personnes en situation de handicap dépassent le cadre des politiques partisanes. Les familles comme la mienne ont besoin de soutien maintenant.
Notre pays a beaucoup de pain sur la planche, et c’est pourquoi je vous fais part de mes réflexions. La plupart des Canadiens et des Canadiennes croient à la valeur de l’inclusion des personnes handicapées. Assurons-nous que nos candidats politiques y croient aussi.
Ce sont en fait plus que des valeurs. Ce sont des droits inscrits dans la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies et la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies. Mais cela ne change pas grand-chose.
Nous vous demandons d’être des alliés. Nous demandons à nos élus d’intervenir.
En tant que mère seule, je m’inquiète profondément de l’avenir de mon fils et j’ai donc décidé de consacrer mon énergie à la voix collective pour le changement. J’ai été honorée de me joindre à l’équipe de direction du mouvement Le handicap sans pauvreté.
Notre vision? Nous voulons que les personnes handicapées soient prospères, aient conscience de leur pouvoir, vivent leurs passions et participent à tous les aspects de la société.
Ce mouvement a besoin que toute la population canadienne se soucie de la situation. Demandez à vos candidats politiques exactement quelles mesures concrètes et quelles politiques ils présenteront en rapport avec les personnes en situation de handicap.
Le Canada doit se reconstruire mieux, beaucoup mieux, et inclure les personnes handicapées et leurs familles.
Photo reproduite avec l’aimable autorisation de l’auteur
