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Les foyers de soins de longue durée doivent prodiguer des soins tenant compte des traumatismes

by Carole Estabrooks
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Il faut mettre en place des soins, de la formation et des stratégies qui tiennent compte des traumatismes des personnes âgées dans les foyers de soins de longue durée du pays.

Oui, « traumatismes » est un terme lourd de sens, mais c’est bien le mot juste.

Il décrit exactement ce qui s’est produit durant la pandémie dans les foyers de soins de longue durée au Canada, où sont survenus la majorité des décès et où les résidentes et résidents ont vécu de l’isolement et des privations extrêmes en raison de la restriction draconienne des visites et de la pénurie de personnel.

Cela étant dit, les personnes hébergées dans ces établissements présentent souvent deux niveaux de traumatismes.

Actuellement, on oublie de considérer que la pandémie peut avoir déclenché des symptômes de trouble de stress post-traumatique (TSPT) chez les personnes âgées ayant déjà subi des traumatismes psychologiques, par exemple à la suite d’un accident de la route, de sévices physiques ou sexuels ou de la fuite d’un conflit armé.

Dans un article publié récemment, nous démontrons que la prévalence du TSPT chez les résidentes et résidents de foyers de soins de longue est beaucoup plus élevée qu’on croyait et que la pandémie a exacerbé les symptômes de TSPT chez certaines personnes. De plus, nous formulons des recommandations sur la façon dont les foyers pourraient gérer les conséquences de ces traumatismes.

Les personnes ayant vécu des traumatismes ne développent pas toutes un TSPT, mais celles dont c’est le cas sont plus susceptibles de connaître une résurgence des symptômes en vieillissant, de souffrir de démence ou d’être admises dans un foyer de soins de longue durée, ce qui peut constituer en soi un événement traumatique. Pour les aînés vulnérables vivant dans ces établissements, la propagation d’un virus mortel peut aussi déclencher des symptômes sévères de TSPT, comme des pensées intrusives, des cauchemars et des sentiments de panique.

Plus du deux tiers des personnes âgées en foyers de longue durée sont atteintes d’une forme quelconque de démence.Les procédures de soins ou l’environnement visuel et sonore d’un foyer peuvent provoquer des symptômes de TSPT, et lorsque ceux-ci s’ajoutent à la démence, des comportements extrêmes peuvent survenir.

En outre, certains symptômes associés au TSPT, telles la colère, l’agressivité et l’agitation, s’apparentent à ceux de la démence. Comme le dépistage des traumatismes psychologiques ne constitue pas une pratique courante dans les foyers de longue durée, il peut s’avérer difficile pour le personnel de faire la distinction entre les comportements découlant du TSPT et ceux résultant de la démence.

Tout cela démontre l’urgence de mettre en place des soins centrés sur la personne et de doter le personnel de la formation requise pour répondre adéquatement aux besoins de chaque résidente et résident.

Grâce à l’adoption de pratiques tenant compte des traumatismes, on peut assurer la qualité de vie des résidentes et résidents et offrir des soins appropriés aux personnes vivant avec un TSPT.

Grâce à des ressources et à une formation du personnel adéquates, les foyers de soins de longue durée peuvent devenir des endroits où la vie vaut la peine d’être vécue.

Alors, à quoi peut ressembler un foyer où les soins tiennent compte des traumatismes?

Dans un tel établissement, l’environnement est sûr et les employés sont bien formés et en nombre suffisant. Lors de l’admission d’une personne, on dépiste les traumatismes et on dresse son historique pour établir la base de son plan de soins. La direction consulte les résidentes et les résidents, leurs proches et le personnel sur tous les aspects de la planification des soins, en plus de fournir aux employés la possibilité de faire appel à des services spécialisés, notamment en santé mentale.

Tenir compte des traumatismes, c’est aussi traiter les symptômes et les problèmes de comportement associés au TSPT au moyen de stratégies axées sur les sensations corporelles. Les couvertures lestées, la musique, les exercices de respiration ou la zoothérapie, par exemple, peuvent rehausser la qualité du sommeil, améliorer la santé mentale et diminuer la douleur et l’agitation.

Enfin, une approche tenant compte des traumatismes exige aussi de s’occuper du bien-être du personnel.

Durant la pandémie, le personnel qui manquait déjà de temps pour soigner adéquatement les résidentes et les résidents s’est retrouvé complètement débordé à la suite de la restriction sévère des visites des proches aidants. C’est sans compter la douleur morale causée par le fait de voir les gens souffrir et mourir seuls.

Les cas d’épuisement professionnel atteignent actuellement des niveaux catastrophiques. Pour soutenir les employés traumatisés, il faut leur proposer des approches cognitives, qui permettent de réguler l’attention et de formuler une intention, ou des approches somatiques telles que des thérapies de yoga modifiées et des stratégies de réduction du stress.

Pendant que les instances décisionnaires élaborent un important cadre de normes et de pratiques pour l’ensemble de l’industrie, nous devons travailler à l’échelle locale afin que les méthodes tenant compte des traumatismes soient parfaitement intégrées dans les foyers de soins de longue durée de partout au pays.

La COVID-19 constitue un véritable boulet de démolition psychologique et seules des pratiques et des politiques tenant compte des traumatismes peuvent contribuer à renforcer le système de soins de longue durée afin qu’il résiste aux assauts d’une pandémie ou d’un autre événement catastrophique à venir. Voilà pourquoi les gestionnaires de foyers de soins de longue durée doivent s’engager à favoriser l’adoption d’une approche tenant compte des traumatismes dans leur établissement.

Le personnel doit posséder une formation de base sur les effets des traumatismes et sur la façon d’en tenir compte dans leur routine de soins quotidiens. De plus, tant les résidentes et les résidents que les employés doivent avoir accès aux services de formateurs, d’infirmières praticiennes spécialisés et de spécialistes en santé mentale.

Les aînés vulnérables hébergés dans les foyers de soins de longue durée ont assez souffert. Il est temps que les décisionnaires, les bailleurs de fonds et les gestionnaires de foyers accordent la priorité aux soins tenant compte des traumatismes. 

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Photo gracieuseté de Depositphotos

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