Home Français Les distributeurs de fruits de mer qui profitent de l’exploitation des travailleurs devraient être tenues de rendre des comptes

Les distributeurs de fruits de mer qui profitent de l’exploitation des travailleurs devraient être tenues de rendre des comptes

by Georgina Alonso
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Depuis plusieurs années, des chercheurs documentent les traitements souvent inhumains et dégradants que subissent les travailleurs de l’industrie mondiale de la pêche. Des travailleurs ont déclaré être soumis à la servitude pour dettes, forcés de travailler dans des conditions extrêmement dangereuses et avoir été victimes d’abus physiques, certains décrivant même le meurtre de collègues.

Si certains employeurs exposent les travailleurs à des préjudices extrêmes, bien plus nombreux encore sont ceux qui violent leurs droits de manière routinière en omettant de leur verser un salaire décent ou en violant les normes de base prévues par la Convention sur le travail dans la pêche de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Dans l’industrie de la pêche, les pratiques laborales abusives sont répandues, ce qui ouvre la voie à des cruautés plus extrêmes.

Le Canada est un importateur de poisson et de fruits de mer de plus en plus important. La valeur de nos importations s’est élevée à 4,6 milliards de dollars en 2021, ce qui représente une augmentation de 16 % par rapport à l’année précédente. Or, bien que le gouvernement canadien reconnaisse certains des préjudices causés par la pêche illicite, non déclarée et non réglementée au pays et à l’étranger, aucune loi n’a encore été adoptée pour empêcher les entreprises de tirer profit des atteintes aux droits humains se produisant dans leurs chaînes d’approvisionnement.

En l’absence de mesures complètes et rigoureusement, le Canada contribue ainsi à un problème mondial.

Le mois dernier, le gouvernement canadien a réitéré son engagement à adopter une loi « visant à éradiquer le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement canadiennes ». Pour être efficace, une telle loi exigerait des entreprises canadiennes qu’elles fassent preuve de diligence raisonnable pour prévenir les atteintes aux droits humains qu’elles causent ou auxquelles elles contribuent, et d’y remédier. Elle obligerait également les entreprises à prendre des mesures rigoureuses pour éviter les préjudices prévisibles dans le cadre de leurs activités et de celles de leurs fournisseurs.

Il est particulièrement important d’assurer la protection de tous les droits humains, y compris les droits des travailleurs, car ils sont indissociables et interdépendants. Nous devons nous préoccuper de l’ensemble des atteintes aux droits et chercher à protéger activement tous les droits plutôt que d’attendre d’être choqués par les situations les plus bouleversantes pouvant survenir en mer.

Plusieurs pays européens ont adopté des lois dans cette optique en exigeant expressément que les entreprises fassent preuve de diligence raisonnable en matière de droits humains et de risques environnementaux. Le Réseau canadien sur la reddition de compte des entreprises (RCRCE) a travaillé en collaboration avec des experts juristes afin de concevoir un modèle de loi semblable pour le Canada, dont les principaux éléments ont été présentés au Parlement dans le cadre du projet de loi C-262, intitulé Loi sur la responsabilité des entreprises de protéger les droits de la personne. En particulier, cette loi assurerait l’accès aux tribunaux canadiens pour les victimes ayant subi des préjudices liés aux activités de sociétés canadiennes à l’étranger.

Une loi efficace sur la diligence raisonnable en matière de droits humains obligerait les entreprises canadiennes qui importent des fruits de mer à prendre des mesures préventives et correctives rigoureuses contre les abus se produisant dans ses chaînes d’approvisionnement. Elles devraient contraindre leurs fournisseurs à mettre fin à des préjudices extrêmes comme le travail forcé, les salaires de misère, les mesures antisyndicales ou l’exploitation non durable des océans.

Se fier aux autorités douanières pour saisir les produits d’importation issus du travail forcé, comme l’exige une loicanadienne peu appliquée à ce jour, ne devrait être qu’un dernier recours. En premier lieu, nous devons nous assurer que les entreprises ne génèrent pas les conditions qui facilitent le travail forcé.

Les travailleurs canadiens ont également un rôle à jouer, et les syndicats canadiens poursuivront leurs efforts mondiaux en matière laborale, notamment via l’OIT, pour favoriser la solidarité internationale, renforcer les normes du travail partout dans le monde et traiter en collaboration des enjeux qui ont des répercussions sur les travailleurs à l’échelle mondiale.

Les travailleurs méritent un traitement éthique et ne devraient pas se voir obligés de choisir entre des abus ou des pertes d’emploi. Nous devons viser un travail décent, le respect de tous les droits humains et la durabilité de l’environnement.

Les syndicats et les autres organisations de la société civile au Canada et à l’étranger suivent de près l’élaboration de la loi promise par le gouvernement. Il est temps de régler le problème une fois pour toute. Adoptons une enfin une loi qui soutienne les travailleurs de la pêche, et tous les travailleurs, en mettant un terme aux violations des droits humains dans les chaînes d’approvisionnement.

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