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Le Canada a besoin d’une base de données nationale sur la vaccination contre la COVID 19

by Michael Wolfson
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L’administration des premiers vaccins contre la COVID‑19, la semaine dernière, fait ressortir la nécessité de suivre de près le déploiement des campagnes de vaccination. Le gouvernement fédéral a admis l’importance des données de surveillance, dans les domaines qui sont de sa compétence à tout le moins, le premier ministre ayant lui-même affirmé récemment que son administration se ferait le « partenaire des provinces… [pour] une meilleure coordination des données ».

La réaction du fédéral est une belle admission du rôle prépondérant des provinces dans la définition des priorités en matière de vaccination. Et une manifestation d’optimisme apparent face au véritable fouillis que constituent les systèmes de surveillance des vaccins au Canada, en ce qui a trait notamment aux réactions indésirables.

Le fédéralisme coopératif est formidable – quand il fonctionne. Or toute personne expérimentée en informatique, en collecte de données et en analyse statistique sait fort bien que la surveillance des vaccins précitée désigne un méli-mélo d’éléments disparates. Lorsque des vies sont en jeu, toutefois, cela est insuffisant.

Les mécanismes de signalement des réactions indésirables en place aux États-Unis et au Canada n’ont pas permis à l’époque de mettre au jour le scandale du lien entre le Vioxx et l’infarctus du myocarde. Il est primordial d’instaurer, en matière de vaccination contre la COVID‑19, un système fiable, non seulement pour des questions de sécurité, mais aussi pour empêcher la transmission d’informations erronées par les anti-vaccinalistes.

Le Canada dispose, en matière de surveillance statistique des réactions indésirables, d’un potentiel de calibre mondial enfoui dans les bases de données provinciales. Mais cette précieuse information est souvent stockée dans de multiples silos impénétrables au sein de chaque province.

La pandémie de COVID-19 a rendu encore plus pressant le besoin de démanteler ces silos. L’un des principaux obstacles réside dans l’insistance des provinces à considérer la santé comme leur chasse gardée et que le rôle du fédéral se limite à leur verser toujours et encore plus d’argent sans condition.

Cette situation doit prendre fin.

Plus précisément, la solution la plus sensée réside dans l’établissement d’un mécanisme uniforme et normalisé de surveillance de la vaccination, administré par le fédéral en vertu de sa compétence constitutionnelle en matière de statistique. Le gouvernement pourrait confier à un organisme – Statistique Canada serait un choix évident – la responsabilité d’instaurer sans délai un portail ou un site de collecte de données en temps réel, sécurisé, qui permettrait de recueillir une information essentielle sur chaque personne qui reçoit le vaccin contre la COVID‑19.

Ce système logiciel serait implanté dans les cliniques, les cabinets de médecin et les pharmacies. Les infirmières et les autres intervenants responsables de la vaccination y consigneraient les données requises en procédant exactement de la même façon qu’avec le vaccin contre la grippe. À la différence près qu’une partie de l’information serait gérée par le fédéral et s’ajouterait à celle qu’on consigne dans le dossier médical des patients ou qui concerne la facturation des services aux provinces.

Des décennies d’expérience montrent que la rhétorique sur la coopération fédérale-provinciale conduit invariablement à l’échec et n’aboutit qu’à un patchwork de données incohérentes et incomplètes, trop limitées pour appuyer la science de la gestion de la pandémie et le secteur de la santé plus globalement.

Le gouvernement fédéral est parvenu à mettre fin à la surfacturation pratiquée par les médecins en retardant le versement des transferts de santé aux provinces. En cette période de COVID‑19, un certain nombre d’entre elles s’adonnent, en l’absence de conditions, à une pratique honteuse qui consiste à récupérer les sommes versées aux plus vulnérables par le fédéral, en réduisant ou en annulant les prestations d’aide sociale des bénéficiaires. Par conséquent, l’implantation du mécanisme de surveillance proposé doit s’accompagner, pour être efficace, de mesures fiscales rigoureuses, applicables aux provinces qui refusent de coopérer.

La surveillance en temps réel, sous administration fédérale, de la vaccination fournira une information précieuse sur l’adhésion à cette mesure, colligée non seulement par province, mais aussi par quartier, type de vaccin, race ou origine ethnique et profession. Celle‑ci permettra aux autorités provinciales et régionales de la santé publique de cibler les personnes plus vulnérables. Il n’est pas question ici d’ingérence dans des domaines de compétences provinciales; il s’agit tout simplement du moyen le plus efficace et constitutionnellement reconnu de recueillir des renseignements essentiels.

Rien ne nous empêche aujourd’hui d’adapter un logiciel de ce type, d’en faire la distribution d’un océan à l’autre en quelques mois seulement et de conclure rapidement des ententes sur la normalisation des données.

L’exercice implique la collecte de données personnelles et confidentielles, mais c’est précisément le genre d’information que Statistique Canada recueille depuis des décennies dans le cadre de son enquête mensuelle sur la population active (menée  la plupart en ligne), tout en respectant des mesures exceptionnellement rigoureuses en matière de sécurité et de confidentialité.

La protection de la vie privée soulève des inquiétudes légitimes. Toutefois, on ne doit pas les laisser prendre le pas sur les avantages énormes qu’on pourrait tirer de cette information. Il y a plus d’un siècle et demi, les auteurs de la Constitution avaient eux-mêmes reconnu l’importance primordiale que revêt la collecte d’information statistique de portée nationale.

Même si la circulation des données peut soulever des préoccupations quant à la propriété de ces dernières, il suffirait, pour y répondre, d’établir des règles claires en matière d’accès à cette information par les provinces et les territoires.

Les commissaires à la protection de la vie privée partout au pays adhèrent aux principes de nécessité et de proportionnalité dans le cas des collectes de données où la protection de la vie privée est en jeu. Il ne fait aucun doute que ces critères sont satisfaits dans un contexte pandémique et de vaccination contre un virus pouvant causer la mort de milliers de Canadiens et de Canadiennes.

Aujourd’hui plus que jamais, le Canada doit adopter une approche nationale rigoureuse en matière de surveillance des données, pour faire en sorte que la vaccination se déroule de manière efficace, équitable et sécuritaire.

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Photo gracieuseté de Pixabay

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