Home Français Des Canadiennes et Canadiens en situation de handicap comme moi choisissent de mourir parce qu’ils n’ont pas les moyens de vivre

Des Canadiennes et Canadiens en situation de handicap comme moi choisissent de mourir parce qu’ils n’ont pas les moyens de vivre

by Madeline
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Je suis en train de mourir. Ma mort est totalement évitable.

La détérioration de mon état repose sur deux piliers : premièrement, la pauvreté et le manque d’aide financière et de soins qui sont mon lot comme personne vivant de l’aide aux personnes en situation de handicap, et, deuxièmement, après 40 ans de lutte contre le syndrome de fatigue chronique, l’abandon des traitements que mon gouvernement provincial refuser de payer.

Je m’appelle Madeline. Enfin, c’est le pseudonyme que j’ai dû utiliser, car étant donné la fragilité de ma santé, mon équipe médicale juge qu’à elle seule, la force de la pression publique pourrait me faire mourir.

Quand je dis que ma mort est évitable, je veux dire qu’après avoir épuisé mon argent le mois prochain, je devrai arrêter les médicaments oraux et intraveineux que je prends pour soutenir ma santé chancelante, parce que le régime de services médicaux de la Colombie-Britannique ne couvre pas les traitements qui me gardent en vie.

Je me retrouverai à ne plus pouvoir bouger, parler ni manger, prisonnière de mon lit et éprouvant d’horribles douleurs.

J’ai amorcé le processus d’aide médicale à mourir — à présent légal au Canada — non pas parce que je veux mourir, mais parce que j’ai le choix entre la perspective de vivre une mort lente et atroce dans un foyer de soins pour pauvres, loin de ma communauté, de mon bénévolat (ma raison d’être) et de mes amitiés, ou celle de vivre une mort rapide.

J’ai choisi la mort rapide — si on peut appeler ça un choix.

Le syndrome de fatigue chronique a fait davantage les manchettes dernièrement en raison des cas de COVID longue, mais il existe depuis aussi longtemps que les êtres humains et les virus. Il n’existe aucun mot pour nommer l’épuisement et la douleur qu’il me fait vivre. Le terme « fatigue » est beaucoup trop faible. L’expression « souffrir le martyre » ne veut plus rien dire pour moi.

La pauvreté amplifie le handicap.

Le manque d’argent et de soutien accordé aux personnes qui reçoivent l’aide provinciale aux personnes en situation de handicap fait partie d’un préjugé sociétal plus vaste qui considère la maladie comme un échec moral. En Colombie-Britannique, les bénéficiaires de l’aide aux personnes en situation de handicap reçoivent environ 1 000 $ de moins par mois qu’une personne en bonne santé travaillant 40 heures par semaine au salaire minimum. Cela veut dire que nous n’avons aucune chance de traiter notre maladie.

Dès le moment où j’ai obtenu l’aide pour les personnes en situation de handicap, j’ai été traitée comme une criminelle. Au cours des décennies, j’ai subi diverses micro-agressions. Des commentaires comme « si seulement tu faisais plus d’efforts, tu irais mieux » ou « tu dois avoir fait quelque chose de mal pour mériter ça ».

Les privations sur tous les fronts dont souffrent les personnes bénéficiant de l’aide pour les personnes en situation de handicap sont une atrocité sur le plan des droits de la personne, mais elles sont également illogiques sur le plan fiscal. Il est toujours terriblement plus coûteux de laisser l’état de santé d’une personne se détériorer. Et si l’on considère les dépenses bureaucratiques plus importantes liées à la microgestion et au refus du soutien, l’argent n’est pas vraiment le problème ici.

Qui sommes-nous comme Canadiens et Canadiennes? Parce que si notre façon de traiter les mesures de soutien aux personnes en situation de handicap est économiquement et médicalement illogique, alors nous torturons et punissons délibérément ces personnes uniquement parce que nous le pouvons — et qu’au fond de nous, nous pensons qu’elles le méritent.

Mon vrai nom signifie « puissante guerrière rebelle dans une mer de chagrin ». Personne ne se doutait, quand on m’a donné ce nom, à quel point cela allait devenir vrai.

Mes amis ont organisé une campagne GoFundMe, mais il ne restera plus rien des fonds amassés le 1er décembre, date à laquelle je ferai face à une dette de 40 000 dollars en frais médicaux, mais aussi à la mort elle-même. Être à un battement de cœur de la mort me terrifie. Même si je suis extrêmement reconnaissante du soutien qu’on m’a apporté, je crois que je ne devrais pas avoir à supplier sur Internet pour rester en vie.

Mes amis m’ont également aidée à créer un balado intitulé I AM MADELINE dans l’espoir de mieux faire comprendre la situation qu’endurent de nombreuses personnes en situation de handicap au Canada. Mon expérience est loin d’être unique.

À présent, je vous demande de m’aider. Je vous demande de prendre position. Écrivez une lettre à un représentant du gouvernement dans votre région, appelez-le, envoyez-lui un tweet.

Si vous, mes concitoyennes et concitoyens canadiens, n’insistez pas pour que les personnes comme moi puissent au moins avoir la chance de vivre décemment, je ne vois pas comment les choses changeront.

J’entends parler de l’adoption de nouvelles lois concernant l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap, mais j’ai d’abord et avant tout besoin d’avoir accès à une qualité de vie adéquate. Et ce à quoi j’ai besoin d’avoir accès en fin de compte, c’est la capacité de rester en vie.

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Photo reproduite avec l’aimable autorisation d’iStock

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