Le système de santé canadien nous laisse tomber. Les soins aux personnes atteintes de cancer ne sont qu’un des nombreux domaines thérapeutiques touchés par la pandémie, qui a entraîné un manque d’accès aux spécialistes de la santé, aux lits d’hôpitaux et aux salles d’opération. Nous devons faire mieux.
Les patientes et les patients attendent plus longtemps que jamais pour recevoir des traitements.
Les médecins spécialistes sondés font état d’un temps d’attente médian de 27,4 semaines entre la recommandation d’un ou d’une médecin généraliste et le traitement. Il s’agit du temps d’attente le plus long jamais enregistré dans l’histoire de cette enquête – et il est de 195 pour cent plus long que celui déclaré en 1993, qui atteignait seulement 9,3 semaines.
Les longs temps d’attente causent le décès d’un plus grand nombre de personnes atteintes de cancer. Ils ont également de graves conséquences pour tous les patients et patientes, comme l’augmentation de la douleur, de la souffrance et de la détresse mentale. Dans de nombreux cas, les temps d’attente peuvent entraîner de moins bons résultats médicaux, et transformer des maladies ou des blessures qui pourraient être réversibles en conditions chroniques irréversibles, voire en handicaps permanents.
Le Canada connaît également une pénurie de médecins. Beaucoup de familles canadiennes pourraient même ne pas avoir accès aux soins primaires. Selon une enquête récente du Canadian Medical Association Journal, plus d’un Canadien sur cinq – soit environ 6,5 millions de personnes – n’a pas accès à un médecin de famille ou à une infirmière praticienne.
Les coûts humains dévastateurs qui se cachent derrière les statistiques devraient tous nous préoccuper.
Certaines organisations ont quantifié ce phénomène. Un rapport de All.Can Canada prédit que les perturbations dans le diagnostic et les soins aux personnes atteintes de cancer pourraient à elles seules entraîner 21 247 décès supplémentaires dus au cancer au Canada au cours de la prochaine décennie, ce qui représente 355 173 années de vie perdues.
Pour le dépistage du cancer du sein, une interruption de six mois pourrait se traduire par environ 670 cancers du sein avancés supplémentaires et 250 décès supplémentaires par cancer du sein. Pour le cancer colorectal, un retard de six mois dans le dépistage pourrait augmenter le nombre de cas de cancer colorectal d’environ 2 200 et le nombre de décès par cancer colorectal de 960.
La bonne nouvelle, c’est que le gouvernement fédéral a pris des mesures pour tenter d’améliorer le problème.
En février, le premier ministre a annoncé un investissement de 198 milliards de dollars pour aider à améliorer le système de santé, en précisant que c’est le public qui jugera de la réussite de cet accord. Les quatre domaines priorisés sont les services de santé familiale, le personnel de santé et la réduction des arriérés, les services en matière de santé mentale et de toxicomanie, et la modernisation du système de soins de santé.
En tant que responsables de Patients for Accountable Healthcare, un nouveau collectif de base de groupes de patients et de patientes, nous demanderons aux premiers ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de rendre compte de cet accord.
Ce qui est préoccupant, c’est qu’aucun processus transparent de suivi et d’évaluation n’est prévu. Le gouvernement fédéral devrait donc prendre immédiatement des mesures pour suivre et mesurer le succès de cet investissement. À terme, le plan de données mis en place par l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) apportera des réponses, mais cela prendra encore des années.
La population canadienne mérite qu’on lui rende des comptes dès maintenant. Nous devons savoir comment cet argent est dépensé ainsi que constater des améliorations directes dans la qualité des soins de santé et l’accès à ceux-ci.
Notre système de santé doit assurer un accès rapide, égal et équitable à des soins de santé fiables et sûrs, dans le respect de la Loi canadienne sur la santé, tout en rendant des comptes au public.
Si le gouvernement ne surveille pas l’évolution du nouvel accord, il est certain que la population canadienne le fera.
Les valeurs qui guident le travail de Patients for Accountable Healthcare sont le respect, l’engagement sérieux et éthique, la responsabilité, la transparence, l’accès en temps opportun, l’excellence, le renforcement des capacités et le mentorat, la justice sociale et la sécurité. Nous ne devrions pas en attendre moins de notre système de santé.
Nous invitons les patientes et les patients des zones urbaines, rurales et éloignées du pays, ainsi que les personnes de toutes les ethnies et de tous les milieux, à se joindre à nous pour surveiller et partager les résultats obtenus dans chaque région et territoire.
Nous n’hésiterons pas à proposer des formations pertinentes aux patients et patientes, au personnel soignant et au public. Nous surveillerons et évaluerons les progrès de ce nouvel accord à l’aide de résultats mesurables, transparents et axés sur les patients, afin d’établir les changements qui s’adaptent aux besoins de chacun.
Le plus efficace serait que le gouvernement nous invite à la table. Après tout, les soins de santé sont pour la population.
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