Une récente étude démontre pourquoi les mascottes et les personnages de dessins animés n’ont pas leur place dans les publicités d’aliments s’adressant aux enfants
Suivriez-vous les conseils d’un clown pour acheter une nouvelle voiture? Et pour choisir des électroménagers, écouteriez-vous les recommandations d’un oiseau ou d’un tigre de dessin animé?
Probablement pas. Toutefois, il est fort probable que les plus jeunes se laissent influencer par de tels personnages lors du choix d’un restaurant ou d’une marque de céréales pour la famille. En fait, une large part de vos choix alimentaires subiront cette influence. Ces choix, et bien d’autres encore, auront une incidence sur l’alimentation des membres de votre famille et sur leur santé à long terme.
Contrairement aux achats importants, comme les voitures et les électroménagers, le choix des aliments consommés par les familles est souvent fortement influencé par les enfants. Au Québec, la Loi québécoise sur la protection du consommateur interdit depuis longtemps la publicité directe auprès des enfants. Malgré cela, ces derniers sont exposés à un grand nombre de publicités d’aliments et de boissons à faible valeur nutritive par l’entremise de médias tels que la télévision ainsi qu’en ligne, où elles sont autorisées si elles ne sont pas spécifiquement destinées aux enfants. Ils sont également exposés à des messages, des panneaux et des emballages attrayants dans les magasins, les restaurants et de nombreux autres endroits où ils vivent et se divertissent.
Cette surabondance de publicités de malbouffe destinées aux enfants favorise une mauvaise alimentation dans l’ensemble de la population du Québec, et entraîne des conséquences potentiellement graves pour la santé future, tant celle des personnes que celle du système de santé.
Une toute nouvelle étude, réalisée par notre équipe à l’Université d’Ottawa, révèle que les préférences alimentaires des enfants sont considérablement influencées par les publicités des fabricants de produits alimentaires et des chaînes de restaurants. Notre recherche démontre que les publicités d’aliments à faible valeur nutritive destinées aux enfants, dans lesquelles figurent de mignons personnages de dessins animés ou des superhéros, jouent un rôle prépondérant dans les choix des jeunes. Bien que ce type de publicités directes avec des personnages soit interdit au Québec, elles sont quand même présentes, notamment à la télévision, sur les emballages des produits alimentaires et aux points de vente.
Dans le cadre de cette recherche, nous avons évalué l’influence des mascottes des produits sur les préadolescents au pays et sur la manière dont cette influence se manifeste sur leurs intentions de consommer ces produits, de les acheter ou d’inciter leurs parents à le faire. Il s’agit d’un groupe important puisque les jeunes de 9 à 13 ans sont ceux chez qui la consommation d’aliments ultra-transformés est la plus élevée, représentant près de 60 % des calories qu’ils consomment.
Pour nous permettre de mesurer l’effet de ces publicités ciblant les enfants, nous avons mené une étude, financée par Cœur + AVC, auprès de plus de 1 300 jeunes au pays âgés de 9 à 12 ans (avec le consentement de leurs parents). Nous avons présenté aux jeunes des publicités d’aliments mettant en vedette des personnages sous licence des médias populaires (comme les princesses de Disney), et des personnages porte-parole créés par des fabricants d’aliments et de boissons (comme Lucky le farfadet des céréales Lucky Charms). Nous leur avons montré des publicités visant les jeunes, et d’autres destinées aux adultes (permises par la loi québécoise). Les jeunes ont également été exposés à des publicités de marques, sans référence à des produits alimentaires.
Leurs préférences alimentaires de même que leurs intentions d’acheter les produits ou d’inciter leurs parents à le faire ont ensuite été mesurées. Les résultats ont montré que les enfants préféraient nettement les publicités contenant des personnages, surtout les « porte-parole » de dessins animés comme mascottes des produits. La présence de ces personnages dans les publicités a eu une forte incidence générale sur les préférences alimentaires des jeunes, ainsi que sur leurs intentions d’acheter les produits présentés ou d’inciter leurs parents à le faire. Ils ont également préféré les produits dont les publicités ciblaient précisément les enfants, avec des personnages, des jeux et des images amusantes.
Les résultats de cette recherche fournissent en temps utile des données probantes qui appuient la nécessité que le gouvernement fédéral interdise l’utilisation de personnages de dessins animés dans les publicités de malbouffe destinées aux enfants, et ce, dans l’ensemble du pays.
Récemment, Santé Canada a mené une consultation publique sur de nouvelles restrictions concernant la commercialisation d’aliments et de boissons à faible valeur nutritive visant les enfants. Ces mesures viendraient compléter la réglementation québécoise et n’ont pas comme objectif d’interférer avec les restrictions actuelles sur la publicité destinée aux enfants au Québec. En revanche, elles permettraient de restreindre davantage la publicité d’aliments là où les enfants y sont fréquemment exposés, particulièrement sur les réseaux sociaux et par l’entremise d’influenceurs, un domaine que la réglementation de longue date du Québec aborde de manière moins explicite.
La nouvelle réglementation fédérale proposée représente un pas vers l’avant. Toutefois, des éléments importants sont absents de sa version actuelle puisqu’elle se limite aux publicités télévisées et numériques. Elle ne tient pas compte des nombreux autres moyens publicitaires fréquemment utilisés : l’affichage dans les magasins et les points de vente; l’affichage extérieur (babillards, panneaux), notamment autour des écoles; les emballages de produits ainsi que l’utilisation de mascottes et de personnages de dessins animés avec tous les éléments mentionnés précédemment qui, comme l’a démontré notre étude, ont beaucoup d’influence auprès des jeunes.
Cette nouvelle étude vient donner encore plus de poids aux données probantes qui montrent clairement la nécessité de mettre en place un cadre complet de restrictions entourant la publicité d’aliments et de boissons à faible valeur nutritive visant les enfants, afin d’assurer l’efficacité des nouveaux règlements.
Des restrictions complètes ont déjà été appliquées ailleurs. Au Chili, l’utilisation de personnages de dessins animés a été interdite dans les publicités visant les enfants, y compris sur les emballages. Les emballages de certaines céréales et d’autres produits de marques très connues y sont aujourd’hui très différents.
Ce sont des politiques comme celle-là que veut la population. Selon un récent sondage, plus de 70 % des gens au pays appuient les restrictions sur la publicité d’aliments s’adressant aux enfants.
Santé Canada doit faire en sorte que sa nouvelle réglementation soit beaucoup plus complète pour faire face à la commercialisation intensive actuelle des aliments et boissons à faible valeur nutritive auprès des enfants. Conjointement, la réglementation fédérale et celle du Québec doivent protéger la santé de nos enfants contre ce matraquage publicitaire
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