Les politiques et les investissements judicieux peuvent accélérer les innovations écologiques
Le temps commence à manquer pour apporter les changements nécessaires afin d’éviter les pires conséquences du changement climatique.
Un rapport produit récemment par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations Unies indique que, pour respecter l’objectif de l’Accord de Paris qui est de limiter le réchauffement climatique en dessous de 1,5 degré Celsius d’ici la fin du siècle, la communauté mondiale doit réduire les émissions de gaz à effet de serre de 43 p. 100 d’ici 2030. C’est dans moins de huit ans.
Si des mesures énergiques ne sont pas prises dès maintenant pour réduire les émissions de manière drastique, il nous sera impossible de stopper le réchauffement de la planète et les conséquences qui en découlent.
Au Canada, le gouvernement fédéral a pris l’engagement de réduire ses émissions de 40 à 45 p. 100 sous les niveaux de 2005 d’ici 2030 et d’atteindre le zéro émissions nettes d’ici 2050. Son plan pour atteindre ces cibles comprend un nouveau crédit d’impôt pour encourager le secteur privé à investir dans des technologies pour capter le dioxyde de carbone dans l’atmosphère, puis l’utiliser ou le stocker.
Bien que le crédit d’impôt soit un bon point de départ, cette mesure n’est pas suffisante pour que des changements considérables soient apportés chez un grand émetteur de carbone, soit l’industrie lourde, dont les principaux acteurs sont les fabricants d’acier, de ciment, d’engrais et d’autres produits chimiques.
L’industrie lourde est responsable d’environ 11 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre au pays, ce qui en fait le quatrième secteur le plus émetteur de l’économie. C’est aussi un secteur qui a tardé à introduire des procédés plus respectueux de l’environnement, et ses émissions n’ont diminué que de 10 p. 100 depuis 2005. Presque tous les changements apportés consistent à faire des rénovations mineures et des mises à niveau normales de l’infrastructure existante, et non pas à adopter des technologies particulièrement perturbatrices. Cette attitude diffère radicalement de celle des industries comme le transport et la production d’énergie, où les véhicules électriques et l’énergie renouvelable ont créé un changement radical.
Pour arriver à une réduction plus considérable des émissions, les dirigeants de l’industrie lourde et les décideurs gouvernementaux doivent déterminer les technologies dans lesquelles il faut investir et qu’il est nécessaire d’adopter.Pour ce faire, ils doivent collaborer avec les investisseurs privés afin de définir les meilleurs projets de technologie propre et de concentrer les incitations à l’investissement dans ces projets.
Bien que le nouveau crédit d’impôt du gouvernement fédéral ait le potentiel de stimuler le développement et l’adoption rapides de technologies de captage et de stockage du carbone, l’accent qui est mis sur la décarbonisation plutôt que sur la réduction des émissions de carbone fait rater une occasion importante de réduire les émissions plus rapidement.
Les paramètres actuels du crédit d’impôt ne comprennent aucun incitatif financier pour les technologies de réduction des émissions de carbone. Ces technologies permettent de mettre en œuvre de nouveaux processus de production afin de réduire ou d’éliminer les émissions de carbone ou elles utilisent des matières à faible taux d’émission pour fabriquer de meilleurs produits. Au nombre des innovations que ces technologies permettent, il y a l’acier et le ciment sans carbone qui émettent considérablement moins d’émissions lors du processus de production que les méthodes conventionnelles, lesquelles font une utilisation intensive des combustibles fossiles.
Dans l’industrie lourde, on utilise des technologies qui permettent de réduire le flux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère au lieu de laisser les fuites de grande importance nécessiter par la suite des procédures plus dispendieuses d’élimination et de réparation.
Ces technologies ont l’avantage de pouvoir engendrer des réductions d’émissions à court terme plus rapides que les projets de captage et de stockage du carbone. Pour atteindre les objectifs climatiques du Canada, il est essentiel que des investissements soient faits à la fois dans des projets de réduction du carbone et d’élimination du carbone. Les décideurs du gouvernement doivent leur accorder la même importance.
Les dirigeants de l’industrie et les gouvernements doivent aussi agir rapidement quand il s’agit d’investissements. Les décisions d’investir dans des projets de technologie propre et d’appuyer les démonstrations à grande échelle de ces projets peuvent prendre jusqu’à deux ans, ce qui est trop long étant donné l’ampleur du défi auquel nous faisons face, et le coût social et économique des émissions qui sont toujours aussi importantes d’ici là.
Si les choses vont trop lentement, nous risquons également de voir les investissements privés se retrouver ailleurs, notamment aux États-Unis où l’on offre des incitatifs financiers généreux pour favoriser les investissements dans des technologies propres.
Si le Canada veut être concurrentiel et obtenir sa part de fonds d’investissement dans un marché mondial, nous devons accélérer nos processus décisionnels et veiller à ce que nos incitatifs à l’investissement au Canada soient concurrentiels par rapport aux autres pays.
Il s’effectue au Canada des travaux de recherche novateurs sur les moyens de réduire les émissions industrielles, mais l’industrie lourde est lente à investir dans des projets de décarbonisation. Pour permettre les réductions nécessaires des émissions, ses dirigeants doivent investir bien davantage dans de jeunes entreprises prometteuses en technologies climatiques, et encourager une culture de prise de risques et d’innovation, comme le font les entreprises de haute technologie performantes.
Pour réduire notablement les émissions d’ici 2030 et atteindre le zéro émissions nettes d’ici 2050, il est impératif que les dirigeants de l’industrie adoptent des technologies innovantes et que les gouvernements conçoivent des politiques et des incitatifs financiers qui les appuient. Et vite
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