Le gouvernement fédéral a répondu à des besoins criants en adoptant la Prestation canadienne d’Urgence (PCU) de 2 000$ par mois pour les personnes subissant des pertes de revenu importantes à cause de la COVID-19. Cette mesure répond à des besoins d’urgence liés à une crise sans précédent, mais elles témoignent aussi des grandes défaillances du régime canadien d’Assurance d’emploi (AE).
Certains souhaitent que la PCU devienne permanente et universelle, ce qui en ferait un programme de revenu de base garanti (RBG). Mais, une meilleure avenue à explorer – et plus réaliste – serait de moderniser l’assurance-emploi.
Le RBG est un concept simple et séduisant qui, à première vue, peut paraître équitable et efficace. Il prévoit l’allocation d’un revenu de base – qui couvre les dépenses essentielles – à tous les adultes en âge de travailler sans contrepartie, pour éviter qu’ils ne tombent dans la pauvreté. Il remplacerait l’assistance sociale provinciale et les programmes fédéraux, comme la sécurité de vieillesse.
Plusieurs groupes proposent différents programme de revenu garanti. Les évaluations de coûts fluctuent entre 60 milliards et plus de 600 milliards de dollars, selon la générosité des programmes. Ce sont des coûts très élevés quand on les compare au budget total du gouvernement fédéral qui avoisine normalement les 300 milliards de dollars annuellement.
Selon une analyse du Directeur parlementaire du budget, les expériences de RBG au Canada et dans le monde montrent qu’un tel programme réduit les heures travaillées d’au moins 9% ce qui se traduirait par une baisse du revenu national et donc un appauvrissement collectif.
Le coût est donc un obstacle important. Mais serait-ce efficace?
Selon l’OCDE, il n’est pas évident qu’un RBG réduise en tout temps la pauvreté. Cela dépend des niveaux de prestation, de la formule utilisée et du mode de financement.
Autre obstacle de taille : Un tel programme serait fort probablement considéré comme étant inconstitutionnel à moins d’obtenir l’appui unanime des provinces. En effet, un tel programme de RBG fédéral interfèrerait avec les lois provinciales en matière d’aide sociale et du travail, deux compétences exclusives des provinces.
Quelle serait l’avenue à privilégier pour le gouvernement fédéral?
Une révision en profondeur de l’Assurance Emploi est à notre portée.
Elle pourrait se faire en concertation avec les entreprises et les travailleurs et cela aiderait grandement l’économie à se redresser de manière durable.
Les programmes d’assurance sociale comme l’AE visent deux objectifs : protéger le niveau de vie acquis dans le contexte de l’exercice d’un emploi rémunéré et prévenir la pauvreté. Ils s’appuient aussi sur le principe que la participation à la population active est toujours l’option préférée.
Les programmes d’assurance sociale sont les pierres d’assise de la plupart des systèmes de sécurité du revenu des pays industrialisés.
Comment le Canada se place-t-il? Pas particulièrement bien.
Au Canada, les régimes d’assurance sociale sont généralement moins généreux que ceux d’autres pays industrialisés. L’Assurance Emploi prévoit une prestation de 55% du salaire jusqu’à un maximum de 573$. Les données récentes indiquent qu’une personne en chômage reçoit en moyenne une prestation hebdomadaire de 454$. Et un salarié qui reçoit une prestation d’AE pourrait devoir la rembourser en partie si son revenu annuel dépasse 66 000 $.
Clairement, le régime d’assurance-emploi n’atteint pas l’objectif de la protection du niveau de vie. Il protège à peine les salariés contre le risque de la pauvreté.
Dans d’autres pays, les protections du revenu prévues en cas de chômage sont plutôt de l’ordre de 75% du salaire. Les représentants des employeurs et des employés tels les associations patronales et syndicales participent activement à la gestion de ces programmes. Ce qui n’est pas le cas au Canada.
Ces programmes gérés par les partenaires du marché du travail ont fait leurs preuves dans le monde. Ils donnent lieu à des initiatives qui permettent une plus grande flexibilité d’adaptation pour les entreprises tout en assurant plus de sécurité pour les employés.
Au Canada, l’investissement dans les mesures d’emploi est nettement inférieur à la moyenne de l’OCDE et ne répond pas suffisamment aux besoins de perfectionnement (up-skilling) et de reclassement (re-skilling). Et pourtant, les défis de développement des compétences sont considérables.
Compte tenu des impératifs sociaux et économiques de l’après COVID-19 et de ceux liés aux changements technologiques et climatiques, le gouvernement fédéral se doit de procéder à une réforme en profondeur de l’AE pour répondre aux défis du 21e siècle.
Il doit le faire en collaboration avec les partenaires du marché du travail qui cotisent au régime.
L’assurance emploi est et demeure le meilleur choix de politique publique pour encourager une intégration durable au marché du travail, la mobilité professionnelle, ainsi que la protection d’un niveau de vie décent.
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