Savez-vous comment ont été achetés l’imprimante de votre bureau ou les matériaux utilisés pour construire la route que vous empruntez pour rentrer chez vous, ou encore ce qui pousse votre ville à se vanter d’avoir remplacé son ancienne flotte d’autobus à essence par des autobus carboneutres?
Pour 2022-2023, les dépenses combinées des administrations publiques canadiennes fédérales, provinciales, territoriales et locales se sont élevées à 24 225 $ par habitant. Est-ce que les citoyennes et les citoyens moyens savent quelle part de ces 950 milliards de dollars a été dépensée conformément à nos valeurs, que ce soit pour l’éducation des enfants, les soins de santé, les travaux routiers ou autre chose?
En réalité, ils et elles sont rares et, de toute évidence, pas assez nombreux.
Notre économie industrielle moderne a traditionnellement axé les pratiques d’approvisionnement sur la « tyrannie du prix le plus bas » et, au Canada, ces pratiques incluent rarement les critères de durabilité. Dans les cas où on en tient compte, ces critères sont généralement faibles et n’entrent pas dans l’évaluation de l’offre ou alors sont beaucoup moins importants que d’autres considérations.
Cela envoie un signal clair aux fournisseurs que la performance en matière de développement durable du fournisseur et des services ou des biens fournis n’est pas importante. Il est temps de prioriser l’approvisionnement responsable, et ce rapidement.
Le Canada accuse un retard considérable par rapport à son engagement international d’atteindre ses cibles de réduction des émissions pour 2030. Selon l’indice de performance climatique, le Canada se classe 62e au monde en matière d’action climatique et de transition énergétique, derrière l’Indonésie et l’Ouzbékistan. Pendant que l’on débat des politiques de transition énergétique, des milliards de dollars sont alloués chaque jour à des produits et services qui pourraient nous aider à réaliser dès maintenant notre avenir à faible émission de carbone.
Le gouvernement n’est pas seul : de grandes organisations multinationales ont également évité de réagir au besoin urgent d’intégrer des mandats de durabilité dans leurs activités d’approvisionnement quotidiennes. L’investissement total du gouvernement et du secteur privé dans les initiatives carboneutres au Canada atteint environ 25 milliards de dollars, soit bien en deçà des besoins prévus de 140 milliards de dollars par an.
L’approvisionnement responsable pourrait avoir une grande incidence sur l’atténuation des effets du changement climatique et l’adaptation à ce changement, et reste le levier le plus simple à mettre en œuvre par tous les paliers de gouvernement et les entreprises de premier ordre.
Voici comment nous pouvons y parvenir :
- Prioriser les communautés locales dans l’approvisionnement à grande échelle :
Privilégier les communautés locales. L’accent mis sur les bas prix a entraîné la délocalisation de l’approvisionnement, même pour les produits de base. L’énergie, le ciment, l’acier, les plastiques et les produits chimiques peuvent souvent être produits à bas prix à l’étranger, mais leur production locale peut contribuer à revitaliser les communautés locales et à renforcer l’expertise et la fierté nationales.
- Les petits signaux immédiats en matière d’approvisionnement sont tout aussi importants que les grands signaux à long terme :
Commencer intelligemment, en formulant des mandats d’approvisionnement clairs, précis et complets qui augmentent progressivement la consommation durable, à compter d’aujourd’hui jusqu’en 2030, crée des signaux de marché essentiels pour stimuler la mobilisation vers une économie circulaire, tout comme cela a été le cas pour les énergies renouvelables et les biocarburants.
Les objectifs pour 2030 en matière de normes d’approvisionnement ne sont pas assez ambitieux, leur mise en œuvre est trop lente et ils tombent dans la « vallée de la mort » de la gestion intermédiaire.
- Utiliser les technologies durables là où elles se trouvent:
Des normes d’approvisionnement flexibles permettant l’adoption à de petits volumes peuvent aider les jeunes entreprises à monter des dossiers commerciaux durables pour une adoption à grande échelle.
Souvent, les navires d’approvisionnement sont si gros qu’ils submergent les fournisseurs de produits écologiques. Par exemple, la plupart des fournisseurs d’hydrogène, de piles à combustible, de technologies du carbone et de produits chimiques écologiques sont encore extrêmement petits quant aux volumes qu’ils peuvent livrer sur le marché. Ces volumes devraient néanmoins être absorbés rapidement afin d’encourager le changement d’échelle.
- L’approvisionnement constitue le nouveau service innovant :
Les solutions technologiques qui changent le monde peuvent voir le jour n’importe où, aussi bien dans un garage que dans un laboratoire de recherche éloigné, et les personnes qui innovent sont aujourd’hui célébrées à juste titre pour leur ingéniosité. Nous avons besoin d’avoir un point de vue similaire sur l’approvisionnement créatif et innovant, et de le défendre comme une démarche essentielle vers la durabilité.
- Les services d’approvisionnement gouvernementaux doivent se considérer comme des acteurs du marché et non comme des preneurs de prix :
Obliger les services d’approvisionnement à tenir compte de nombreux facteurs importants, tels qu’une infrastructure durable, l’innovation et les conséquences à long terme, y compris le meilleur rapport qualité-prix, avant de prendre en compte le prix initial.
L’approvisionnement a trop souvent été une course au moins-disant. Le prix est certes important, mais il ne doit pas être la première (et la seule) chose qui compte.
Un mandat d’adoption de nouvelles technologies dans des domaines à faible risque pour accélérer la transition énergétique avec 5 pour cent du budget serait à la fois financièrement et concrètement réalisable. Une étude a constaté que même si l’on double le prix du ciment ou du béton provenant d’une source durable, les coûts totaux du projet augmenteront de moins de 2 pour cent, avec des résultats positifs en matière de durabilité à long terme.
Nos valeurs façonnent notre identité. Si nous voulons parvenir à être carboneutres dans l’avenir, nous devons réfléchir à ce qui est important pour nous et à la valeur que nous lui accordons.
Nous nous trouvons en présence de questions fondamentales sur la manière dont les plus grandes institutions du monde perçoivent le prix et la valeur, ainsi que l’interaction entre ces deux éléments. Donnons à nos spécialistes de l’approvisionnement le soutien des organisations et de la société dont ils et elles ont besoin pour procéder aux changements nécessaires et s’attaquer aux grands problèmes de notre temps grâce au pouvoir de l’approvisionnement responsable.
Photo gracieuseté de DepositPhoto