Le système canadien d’essais cliniques laisse tomber les Canadiennes et Canadiens atteints de cancer.
Je le sais d’expérience, en tant que chirurgienne et chercheuse en cancérologie et en tant que conjointe d’une personne pleine de vie, malgré un cancer à un stade avancé, grâce à des tests moléculaires, des thérapies expérimentales et la participation à un essai clinique à l’étranger à ses propres frais.
Même si des innovations sans précédent dans le domaine de la recherche ont conduit à une explosion de nouveaux traitements contre le cancer (thérapies moléculaires, immuno-oncologiques et cellulaires), il n’y a eu pratiquement aucun changement dans la manière dont nous menons les essais cliniques et approuvons les nouvelles thérapies en vue d’un financement public au Canada.
Cette approche dépassée nuit aux patients atteints de cancer. Compte tenu du grand nombre de nouveaux traitements en cours d’élaboration, il est essentiel de transformer le processus d’essai, d’approbation et de financement des thérapies. Cela permettra au nombre croissant de Canadiennes et de Canadiens qui reçoivent un diagnostic de cancer chaque année de bénéficier d’un traitement de qualité et d’un soutien financier.
Les essais cliniques constituent souvent la meilleure ou la seule option de traitement pour les patients atteints de cancer. En effet, ceux-ci offrent de nouvelles thérapies qui peuvent avoir moins d’effets secondaires et une meilleure efficacité que les traitements traditionnels et qui seraient autrement inaccessibles ou inabordables pour la majorité de la population canadienne.
La participation à la recherche clinique donne également de l’espoir aux patients.
Comme l’indique un nouveau rapport de CONECTed — un réseau de groupes de patients en oncologie, la réglementation de Santé Canada sur la conception et le suivi des essais est compliquée et dépassée, ce qui complexifie et retarde le lancement et l’achèvement des essais. Cela décourage les promoteurs de mettre en œuvre des essais au Canada et les chercheurs d’entreprendre ces essais dans leurs centres de cancérologie.
Le manque de tests moléculaires au Canada aggrave le problème.
De nombreux essais cliniques sur le cancer exigent que les patients subissent des tests moléculaires sur leur tumeur afin de déterminer si leur cancer héberge le gène muté qui est ciblé par la thérapie de l’essai clinique. Malheureusement, aucune province ne finance des tests moléculaires complets. Un rapport récent de la coalition Access to Genomic Testing indique que la plupart des provinces ne sont absolument pas préparées à fournir ces tests, même si des fonds étaient disponibles.
Il revient donc aux patients atteints de cancer de payer eux-mêmes ces tests coûteux. Pour beaucoup, le prix de 2 000 à 5 000 dollars est tout simplement inabordable, ce qui les empêche de participer à l’essai. Cela décourage également l’industrie de proposer des essais au Canada, car il est trop difficile de trouver les patients précis qui répondent aux critères d’admissibilité.
Même lorsque des essais sont ouverts au Canada, ils ne sont souvent offerts que dans un ou deux grands centres de cancérologie. La lourdeur du cadre réglementaire de Santé Canada rend trop onéreuse et coûteuse l’ouverture d’un site d’essai clinique qui ne peut espérer recruter que quelques patients. Si le traitement délégué ou virtuel est acceptable pour les soins cliniques, il n’est pas autorisé pour la surveillance des patients participant à des essais cliniques. Par conséquent, les patients atteints de cancer qui souhaitent participer doivent se rendre sur le lieu de l’essai, ce qui peut s’avérer coûteux et peu pratique, voire inaccessible.
À ces obstacles s’ajoute une mentalité au sein du gouvernement et de la direction des hôpitaux, qui considère la recherche comme distincte des soins cliniques. Bien que fondée sur des efforts visant à garantir la sécurité des patients, cette séparation crée maintenant des obstacles pour les patients qui souhaitent accéder aux meilleurs soins contre le cancer.
Pour corriger le système, il faudra modifier les politiques et les pratiques aux niveaux fédéral, provincial et hospitalier.
Le gouvernement fédéral doit accepter de nouvelles méthodes de conception et d’administration des essais cliniques.Bien qu’il ne doive y avoir aucun compromis sur la sécurité, on peut imaginer un système plus rapide, plus efficace, plus rentable et géographiquement accessible à toute la population canadienne.
Le Canada devrait disposer d’un comité d’éthique de la recherche unique et centralisé qui est chargé d’examiner la conduite éthique, la sécurité et la protection de la vie privée dans le cadre des essais cliniques. Les centres de cancérologie devraient être autorisés à former des réseaux permettant de fonctionner comme un « site » unique pour l’administration des essais cliniques et le recrutement des patients, avec des options de participation déléguée et virtuelle.
Ces changements encourageraient les promoteurs à ouvrir des essais au Canada et faciliteraient l’inscription des patients dans n’importe quel site figurant sur la liste d’un réseau, ce qui leur permettrait d’accéder à des essais cliniques plus près de chez eux.
Les gouvernements provinciaux doivent également penser à long terme dans leur approche du financement des tests moléculaires et autres tests de diagnostic. Pour ce faire, ils doivent soutenir non seulement les cibles éprouvées d’hier, mais aussi celles qui sont évaluées dans les essais cliniques d’aujourd’hui, dont plusieurs définiront les thérapies futures.
Les hôpitaux doivent également adopter une culture de la recherche et être incités à participer à des essais cliniques.
Les dirigeants des hôpitaux doivent reconnaître la valeur de la recherche et l’intégrer dans leurs paradigmes de soins et leurs prestations, afin qu’un plus grand nombre de patients aient accès à des traitements innovants contre le cancer.
Les patients atteints de cancer n’ont pas le luxe de pouvoir attendre. Nous devons transformer dès maintenant tous les aspects du système des essais cliniques, afin que les patients aient la possibilité d’y participer et de vivre avec espoir.
Photo gracieuseté de DepositPhotos