En tant que fournisseurs de soins de santé œuvrant dans les soins de longue durée (SLD), nous sommes à même de constater comment les médicaments antipsychotiques sont prescrits aux résidents, et pourquoi. Les antipsychotiques sont souvent utilisés pour aider à gérer des comportements tels que l’agitation et l’agressivité chez les personnes âgées atteintes de démence. Ils peuvent être utiles pour certains patients, mais peuvent faire plus de mal que de bien pour beaucoup d’entre eux, surtout lorsqu’ils sont utilisés à long terme.
Maintenant, un nouveau rapport a souligné qu’il s’agissait d’une tendance préoccupante : un résident de foyer de SLD sur quatre au Canada prend un médicament antipsychotique, et peut-être inutilement. Ce nombre a augmenté au fil du temps.
Il est temps d’inverser la tendance.
Le rapport, qui s’appuyait sur des données de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), a révélé qu’au Canada, le taux national d’utilisation d’antipsychotiques sans diagnostic de psychose chez les résidents de foyers de SLD, qui avait précédemment chuté à 20 % avant la pandémie de COVID-19, est remonté à 24 %.
La prise de ces médicaments comporte de graves risques, notamment d’accidents vasculaires cérébraux, de chutes et de fractures, et fait même augmenter le taux de mortalité. Comme en fait foi l’augmentation d’au moins 2 % du taux d’utilisation dans chaque province et territoire depuis la pandémie, il est clair qu’on fait fausse route au Canada en ce qui a trait aux antipsychotiques.
Les antipsychotiques ne devraient jamais être utilisés sans d’abord qu’on tente de comprendre la signification des causes profondes des comportements et qu’on essaie des approches sans antipsychotiques, comme traiter la douleur ou utiliser la musique pour aider les résidents des foyers de SLD à se sentir calmes et en sécurité.
Le Canada affiche l’un des taux les plus élevés d’utilisation potentiellement inappropriée d’antipsychotiques parmi des pays comparables, soit de 24 % par rapport à 10 % aux États-Unis et à 18 % en Australie.
L’aperçu de la situation nationale ne raconte pas non plus toute l’histoire. L’utilisation de ces médicaments au Canada varie d’une province et d’un territoire à l’autre, voire d’un foyer de SLD à l’autre. Autrement dit, certaines régions affichent des taux nettement supérieurs au taux national de prescription de 24 %.
Il faut prendre soin différemment de nos personnes âgées les plus vulnérables dans les foyers de SLD. Nous avons déjà réussi à faire baisser les taux de prescription d’antipsychotiques, et nous devons le faire à nouveau.
Avant la pandémie de COVID-19, de nombreux foyers de SLD au Canada avaient réussi à réduire leur taux d’utilisation d’antipsychotiques potentiellement inappropriés en se concentrant sur des approches de soins centrées sur la personne. On a notamment eu recours à une éducation sur les soins aux personnes atteintes de démence axée sur la connaissance des antécédents des résidents, y compris leurs préférences et leurs routines.
Les foyers ont reçu de l’aide sur l’utilisation des ressources et des outils à leur disposition afin de mieux comprendre l’origine de la détresse chez les résidents et de soutenir leurs efforts de déprescription.
Bien que toutes les raisons de l’augmentation des taux de prescription d’antipsychotiques ne soient pas encore claires, la pandémie de COVID-19 y a clairement contribué. Nous savons que, pendant la pandémie mondiale, les foyers de SLD ont dû s’éloigner de leur approche centrée sur la personne pour se concentrer sur l’isolement des résidents symptomatiques afin de prévenir la propagation du virus et d’assurer la sécurité de tous les résidents.
De nombreux membres du personnel des foyers estimaient que cette approche n’était pas très centrée sur la personne. Le roulement du personnel était également un problème important, et les pénuries de personnel ont entraîné une réduction du temps accordé pour effectuer les tâches de prestation de soins. De plus, les soignants avaient moins de temps pour bien connaître les résidents.
Quelles que soient les raisons qui nous ont amenés ici, c’est là où nous en sommes, et il est temps de se remettre à travailler à l’amélioration de la qualité des soins.
La tendance à la hausse de la prescription d’antipsychotiques devrait servir de signal d’alarme. Nous avons déjà vu qu’un réel changement est possible lorsque les équipes de soins se réunissent et disposent d’outils et de soutiens pour se concentrer entièrement sur la personne.
Alors, que faut-il faire maintenant?
Le rapport demande une réponse nationale coordonnée qui passe notamment par l’établissement d’objectifs pour les foyers de SLD et la mise en place de programmes d’amélioration de la qualité des foyers. Il s’agit là de premières étapes nécessaires pour recentrer notre attention sur la protection de l’un des groupes les plus vulnérables du Canada.
S’attaquer à ce problème ne consiste pas seulement à réduire l’utilisation de médicaments antipsychotiques : il s’agit de s’assurer que chaque résident reçoit des soins de la meilleure qualité, lesquels nous nous efforçons tous de fournir. Même dans un système sous tension, nous pouvons choisir de faire mieux
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