Ce n’est plus une exagération de l’affirmer : notre système de santé se rapproche lentement mais sûrement d’un point de non-retour.
La semaine dernière, le premier ministre Trudeau et les premiers ministres des provinces et des territoires ont tenu une rencontre importante où de nombreuses promesses ont été formulées. En dépit de cela, les travailleurs de la santé poursuivent leur lent retrait du système amorcé il y a un an, dans une sorte d’esprit de résistance.
Ils réduisent leur nombre d’heures au sein d’environnements de travail de plus en plus toxiques, acceptent des postes plus attrayants dans le secteur privé ou quittent carrément la profession.
Si le secteur de la santé a toujours été exigeant, il est devenu carrément toxique en raison de la pénurie de main-d’œuvre et du contexte de violence endémique et de plus en plus élevée dans lequel les travailleurs évoluent. Dans ces circonstances, ces derniers ne peuvent plus faire le travail qui leur tient à cœur, prendre soin des malades.
Les travailleurs de la santé du Canada manquent de soutien pour accomplir leur travail. Ils tirent la sonnette d’alarme et il est temps de répondre à leur appel à l’aide.
La rencontre des premiers ministres aurait dû porter sur la nécessité de réformer le système de santé afin de mieux soutenir les travailleurs, de mieux soigner la population et de créer ainsi un système plus viable, capable de répondre aux besoins des Canadiennes et Canadiens de tous âges.
Les gouvernements doivent agir rapidement et courageusement. Le temps des demi‑mesures est révolu.
Les annonces faites lors de la rencontre à propos des mesures de soutien requises pour les travailleurs de la santé représentent un pas dans la bonne direction. Mais est-ce suffisant?
Pour répondre à chacune des priorités communes identifiées — soins primaires, listes d’attente, santé mentale et toxicomanie et modernisation du système de santé — nous aurons besoin d’une main-d’œuvre solide.
Heureusement, il existe des solutions pour appuyer les travailleurs de la santé.
De nombreux rapports exhortent les décideurs à régler l’enjeu immédiat du maintien en poste afin de stopper l’hémorragie de travailleurs dans le système public. À cet égard, les gouvernements provinciaux et territoriaux, avec l’aide du gouvernement fédéral, devraient faciliter le déploiement d’initiatives fondées sur des données probantes par des investissements ciblés en partenariat avec les employeurs et les autorités de la santé.
Les employeurs doivent bénéficier du soutien de tous les paliers de gouvernement afin d’agir avec détermination pour créer des environnements de travail sains, sécuritaires et bienveillants.
Il importe également de favoriser le retour des travailleurs de la santé qui ont quitté le système public. Les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent financer des programmes souples pour les travailleurs qui souhaitent revenir à l’exercice de la profession. De leur côté, les employeurs doivent proposer un encadrement et d’autres mesures pour faciliter ce retour au travail.
N’oublions pas non plus les travailleurs de la santé qui ont suivi une formation à l’étranger et qui sont déjà ici, au Canada.
Le gouvernement fédéral doit bonifier son aide aux programmes de mentorat et de formation relais. Les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent pour leur part soutenir ces travailleurs de la santé pendant leur formation et convaincre les autorités de réglementation de simplifier les processus de reconnaissance des permis d’exercice. De leur côté, les employeurs doivent instaurer des programmes de soutien et de mentorat rémunérés avec des praticiens d’expérience dans le but de faciliter l’intégration de ces travailleurs.
Il faut également créer des trajectoires de recrutement stratégiques et assistées.
À cet égard, le gouvernement fédéral doit contribuer financièrement aux frais de scolarité d’un vaste éventail de travailleurs de la santé dans des collectivités et des secteurs défavorisés. En partenariat avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, il doit également soutenir le recrutement de personnel enseignant pour accroître la capacité du secteur de la formation.
Les employeurs doivent pour leur part soutenir la capacité d’enseignement du corps professoral clinique grâce à des détachements rémunérés offerts en partenariat avec les universités et les collèges. Les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent également mettre à niveau les programmes de transition de la formation vers l’emploi.
La diffusion à plus grande échelle de ces initiatives et de projets prometteurs menés par d’autres administrations pour favoriser le maintien en poste, le retour à l’exercice de la profession et le recrutement nécessite un leadership engagé, une structure et du financement.
Une fois ces mesures mises en place dans une diversité de contextes, il faudra se pencher sur des stratégies en amont pour éviter des crises futures. D’où l’importance de l’annonce faite lors de la rencontre des premiers ministres sur la création d’un centre d’excellence en matière de données sur la main-d’œuvre en santé.
En accédant à des données améliorées sur la main-d’œuvre sur des plateformes interactives, les décideurs pourront intégrer la planification des besoins de personnel dans leurs processus décisionnels. C’est ce que devrait appuyer le centre d’excellence, notamment en créant des outils numériques que les autorités régionales et les employeurs pourront intégrer à leur planification continue.
Les gouvernements provinciaux et territoriaux pourraient plus facilement introduire ou rétablir la planification intégrée des travailleurs de la santé en collaboration avec les éducateurs, les autorités de réglementation, les employeurs et les syndicats ou associations professionnelles. De plus, les employeurs pourraient mieux intégrer des fonctions de planification continue à leurs systèmes d’information sur les ressources humaines en vue de stabiliser la dotation.
Le fait de ne pas s’attaquer à ces problèmes chroniques de main‑d’œuvre a des répercussions importantes qui vont bien au‑delà du personnel lui‑même. La sécurité des patients, la qualité des soins et la viabilité du système de santé sont également menacées. Sans oublier les conséquences sur l’économie, comme nous en avons tous été témoins.
Écoutons et appuyons les travailleurs de la santé.
Il est impératif que tous les paliers de gouvernement agissent maintenant.
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