La nouvelle prestation annoncée concrétisera-t-elle cette aspiration?
Le gouvernement fédéral s’est engagé, dans le dernier discours du Trône, à créer une nouvelle prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap. Voilà une excellente nouvelle, même si les détails restent vagues. Car il y a longtemps que des militants et militantes revendiquent un revenu de base garanti pour les personnes handicapées.
L’annonce concernant la nouvelle prestation pourrait constituer un pas de plus vers cet objectif.
Un revenu de base garanti ferait en sorte qu’aucun Canadien ou Canadienne n’aurait à vivre avec un revenu bien en deçà du seuil de pauvreté. Loin de remplacer des services publics essentiels, il impliquerait un transfert en espèces du fédéral aux particuliers. Il remplacerait plutôt l’aide au revenu mensuelle versée par les provinces et suppléerait le salaire des travailleuses et travailleurs pauvres.
Devant les preuves qui s’accumulent en faveur de cette mesure, les critiques ont vu leurs arguments démontés un par un. Elle coûterait trop cher? Le directeur parlementaire du budget, une autorité en la matière, a démontré que le Canada disposait des ressources suffisantes pour la financer en temps normal si elle était bien conçue et que, même en temps de pandémie, elle coûterait moins cher que les solutions de rechange.
Une mesure mauvaise pour les femmes? Pour les membres des Premières Nations? Pas si l’on en croit les conclusions du rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, qui préconisent l’adoption d’un revenu minimum garanti pour l’ensemble des citoyens et citoyennes, ou la coalition de 4000 organismes et particuliers qui la réclame comme moyen de redresser les inégalités entre hommes et femmes.
Mauvaise pour les travailleurs et travailleuses? Ce n’est pas ce qu’en pense le Syndicat des métallos. Un revenu de base inciterait-il les gens à travailler moins? Il n’existe absolument aucune preuve en ce sens. En fait, les données expérimentales tendent à montrer qu’un certain nombre de personnes travailleront davantage et qu’un grand nombre investiront dans une formation professionnelle afin d’améliorer leurs perspectives d’emploi.
D’aucuns prétendent qu’un revenu de base enlèvera des ressources aux personnes en situation de handicap afin de donner de l’argent à des gens qui n’en ont pas besoin. Ce ne sont que balivernes.
Certaines personnes en situation de handicap nécessitent une prestation de remplacement du revenu qui leur est versée par l’entremise des programmes provinciaux. Un revenu de base garanti leur procurerait un montant plus élevé. D’autres sont prestataires du Régime de pensions du Canada (RPC), mais ce programme est fondé sur les antécédents de travail et il a une obligation envers les travailleurs et bénéficiaires actuels. Un revenu de base pourrait suppléer les prestations du RPC et du RRQ que reçoivent les personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté.
Certains individus nécessitent une aide technique comme un fauteuil roulant ou un appareil auditif, ou encore, des médicaments d’ordonnance, des fournitures médicales ou des services spécialisés. Ces ressources sont fournies ou subventionnées par tout un éventail de programmes fédéraux et provinciaux. Ces programmes conserveraient leur forme actuelle ou seraient modifiés tout en restant accessibles aux personnes en situation de handicap; ils s’ajouteraient au revenu de base garanti.
En d’autres termes, un revenu de base garanti aurait pour effet d’augmenter, plutôt que de diminuer, le revenu des personnes en situation de handicap.
En guise d’exemple, une personne qui a besoin d’un fauteuil roulant procéderait de la même façon qu’aujourd’hui pour en obtenir un. Même si les modalités diffèrent selon les provinces, toutes subventionnent les aides techniques d’une manière ou d’une autre. En Ontario, le Programme d’appareils et accessoires fonctionnels le fait pour toute personne qui en a besoin.
Le moment serait bien choisi pour réformer certains programmes de soutien (aux échelons fédéral et provincial) outre les prestations de remplacement du revenu. Les personnes en situation de handicap comptent parmi les plus pauvres au Canada. Il n’est pas logique, ni du point de vue moral ni du point de vue économique, de limiter l’accès aux prestations auxquelles elles ont droit ou de faire en sorte qu’elles les emprisonnent dans le cercle vicieux de la pauvreté.
Dans quelques provinces, la quote-part à verser pour obtenir un appareil fonctionnel ou d’autres produits essentiels comme les médicaments d’ordonnance, les fournitures pour diabétiques et les orthèses, est subventionnée pour les bénéficiaires d’une prestation de remplacement du revenu, mais pas pour les travailleurs à bas salaire qui ont des besoins similaires.
Est-ce qu’il ne serait pas raisonnable de fournir ces produits à toute personne qui en a besoin, en se basant sur le niveau de revenu plutôt que sur sa provenance?
Cela permettrait aux travailleurs handicapés à bas salaire d’accéder à ces ressources et aux personnes en situation de handicap, de travailler si elles en sont capables, sans craindre de perdre des prestations indispensables.
Un revenu de base ne remplacera ni les fournitures ni les services, seulement le montant versé aux particuliers. Avec davantage de sous dans leurs poches, les personnes en situation de handicap pourront prendre leurs propres décisions sur les moyens à prendre pour satisfaire des besoins non comblés par le système actuel, comme recourir à un chien d’assistance ou aux thérapies parallèles.
Le temps est venu de traiter les personnes handicapées avec respect, plutôt qu’avec paternalisme, et de corriger les failles du système actuel. La prestation aux personnes en situation de handicap proposée par le fédéral présente une occasion de le faire. Sera-t-elle aussi avantageuse qu’un revenu de base? Espérons-le.
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