Ce qu’il faut savoir
L’ensemble de la population canadienne a largement pris conscience des enjeux liés à la chaîne d’approvisionnement des soins de santé pendant la pandémie de COVID-19. Au printemps 2020, l’équipement de protection individuelle (EPI), comme les masques et les gants, s’est raréfié en raison de l’explosion de la demande. Bien que l’EPI soit redevenu plus facile à se procurer, les problèmes relatifs à la chaîne d’approvisionnement continuent d’affliger notre système de santé.
Après presque deux années de pandémie, nos hôpitaux sont maintenant aux prises avec d’importantes pénuries de matériel de laboratoire, notamment des tubes, des seringues et des aiguilles de prélèvement. Ces pénuries sont si graves que certains hôpitaux canadiens ont dû demander à leur personnel de limiter les prises de sang aux cas urgents afin de préserver les stocks.
Le manque de matériel essentiel exerce donc une pression croissante sur un système de soins de santé déjà mis à rude épreuve.
Il ne devrait pas incomber aux prestataires de soins et aux patients de résoudre les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement à l’échelle mondiale, mais nous pouvons apporter des changements afin de garantir que les ressources sont utilisées de manière appropriée pour surmonter cette pénurie et éviter d’importants gaspillages inutiles en santé.
Les analyses de laboratoire constituent la branche de la médecine qui enregistre le plus grand volume d’activité au pays; elles exigent énormément de temps et monopolisent trop de personnel. En fait, des données récentes révèlent qu’en moyenne, chaque personne au Canada fait l’objet de 14 à 20 analyses de laboratoire par an. Les résultats de laboratoire fournissent certes de l’information précieuse à des fins diagnostiques, mais ces analyses ne sont pas toujours nécessaires. Des « analyses à faible valeur ajoutée » sont ainsi demandées pour de mauvaises raisons (en l’absence d’indication clinique) ou au mauvais moment. Cela peut mener à des résultats appelés « faux positifs », soit des examens de dépistage qui se révèlent positifs, bien que la maladie soit absente, risquant d’entraîner des suivis complémentaires inutiles.
Les récents retards dans les tests PCR de dépistage de la COVID-19, au plus fort de la vague Omicron, ont permis au public de mieux comprendre le rôle essentiel des laboratoires pour assurer le bon fonctionnement du système de santé.
En tant que prestataires de soins de santé participant aux efforts de sensibilisation, nous voulons informer la population canadienne que les analyses de laboratoire de faible valeur sont inutiles et posent problème depuis longtemps.
Dans les hôpitaux, les analyses sanguines quotidiennes en laboratoire sont courantes et souvent inutiles, notamment lorsque les résultats sont normaux plusieurs jours de suite, et que la fonction de requête automatique est maintenue. Certaines études montrent que les prises de sang répétées pour les patients hospitalisés pourraient être évitées jusqu’à 60 % du temps.
Un prélèvement sanguin par jour peut revenir à prélever l’équivalent d’une demi-unité de sang par semaine, entraînant un gaspillage de 20 à 30 tubes de sang. Mais surtout, les prélèvements à répétition peuvent être dangereux pour les patients et provoquer une anémie nosocomiale. En période de pénurie critique, comme c’est le cas actuellement, les analyses sanguines inutiles en laboratoire peuvent avoir de graves répercussions sur la capacité à effectuer les prélèvements qui sont nécessaires pour certains patients.
Afin d’aider les professionnels de la santé pendant la pénurie mondiale de tubes, la Société canadienne des clinico‑chimistes et l’Association des médecins biochimistes du Canada ont élaboré deux séries de recommandations visant à réserver le matériel aux analyses qui sont absolument nécessaires. Ces recommandations sont fondées sur les pratiques exemplaires destinées aux professionnels de la santé en soins primaires et aux hôpitaux qui demandent des analyses de laboratoire.
La sensibilisation au caractère épuisable des ressources nous aidera à faire face à la pénurie mondiale de matériel de laboratoire. Mais réduire la demande d’analyses de faible valeur devrait être une priorité au-delà de cette pénurie. Cela se traduira par une diminution des piqûres et des risques ou dommages potentiels pour les patients, en plus de nous permettre de réserver les ressources de laboratoire aux analyses qui sont réellement essentielles.
Photo gracieuseté de Depositphotos