Les organisations de défense des droits des femmes accomplissent un travail critique à Gaza, mais sont terriblement sous-financées
« Chaque nuit, nous attendons la mort. »
Hind, cofondatrice de Project Seed, un organisme de défense des droits des femmes qui mène des activités depuis plus de vingt ans dans l’est de la bande de Gaza, m’a confié que chaque jour et chaque nuit est plongé dans l’incertitude.
Le conflit actuel a causé directement la mort d’au moins 186 000 personnes entre octobre 2023 et juillet 2024, principalement des femmes, des enfants et des personnes âgées. Il a également forcé plus de 2,2 millions de personnes à quitter leur foyer.
Les personnes qui échappent aux bombardements aériens souffrent souvent de handicaps, que ce soit par amputation de membres ou par paralysie. Selon Hind, le nombre de personnes handicapées a connu une augmentation inimaginable : « Chaque famille compte désormais une ou plusieurs personnes handicapées. »
Les femmes, en particulier, font face à d’énormes pressions parce qu’elles sont responsables du bien-être de la famille. En plus de pleurer la perte d’êtres chers, elles doivent prendre soin de leurs proches malades, affamés ou handicapés dans les situations les plus difficiles où les soins de santé et les médicaments sont souvent inaccessibles.
La guerre a considérablement réduit le travail essentiel des organisations de défense des droits des femmes et d’autres organismes de bienfaisance et à but non lucratif à Gaza, comme Project Seed, dont l’objectif était auparavant de promouvoir les droits des femmes et des filles. Aujourd’hui, ces organisations travaillent sans relâche pour répondre aux besoins humanitaires dévastateurs et grandissants de leurs communautés, au péril de leur vie.
Les organisations de défense des droits des femmes sont des acteurs humanitaires essentiels et indispensables en temps de crise. Elles ont toutefois besoin de l’appui des organisations internationales, des gouvernements et des institutions. Il est temps que nous leur apportions ce soutien.
Des organismes comme Project Seed comblent des lacunes importantes. Les grandes organisations non gouvernementales internationales ne sont pas toujours autorisées à intervenir dans la bande de Gaza, et il devient de plus en plus difficile pour les travailleurs humanitaires internationaux d’y entrer.
En outre, les organisations de défense des droits des femmes qui sont fondées, gérées et dirigées par des personnes du pays s’enracinent profondément dans leur communauté et possèdent une connaissance contextuelle de première main des problèmes auxquels cette dernière fait face. Le personnel de Gaza connaît le cadre social, culturel, politique et religieux dans lequel il évolue. « Une souris sur le terrain ; nous vivons parmi la population », explique Hind.
Les grandes organisations internationales autorisées à mener des activités à Gaza reconnaissent qu’elles ne peuvent pas fournir de l’aide, car elles n’ont pas de relations locales. Dans ce contexte, comme dans de nombreux autres conflits internationaux, les organisations de défense des droits des femmes, comme Project Seed, sont bien placées pour agir en première ligne.
Project Seed attire l’attention sur l’importance des programmes d’aide financière, en particulier en période de crise. Les sept femmes membres de l’équipe de Project Seed apportent de l’aide et de l’argent directement aux tentes dans lesquelles les familles déplacées tentent de survivre. Elles marchent parce que les routes sont détruites et qu’il n’y a pas assez de carburant, sous le sifflement des drones et la menace constante des bombardements.
Les colis de secours fournis par les grandes organisations non gouvernementales mondiales sont insuffisants pour subvenir aux besoins des familles.
On ne peut pas sous-estimer les risques courus par les premiers intervenants, comme Project Seed. Pourtant, selon ONU Femmes, 56 pour cent des organisations de cette région ont subi une baisse de financement depuis octobre 2023, malgré le fait qu’elles aient plus que jamais besoin du soutien international.
Que pouvons-nous faire pour aider les organisations de défense des droits des femmes, comme Project Seed, à venir en aide aux populations locales de Gaza et d’ailleurs ?
Tout d’abord, et de toute urgence, les gouvernements et les organismes internationaux doivent collaborer pour exiger un cessez-le-feu immédiat et permanent dans la région.
La population de Gaza a besoin de produits de première nécessité, tels que de la nourriture, de l’eau et des médicaments, mais elle a surtout besoin d’être à l’abri des bombardements incessants et de voir ses droits fondamentaux respectés. Les « pauses » temporaires sont insuffisantes.
Hind presse les personnes éprises de justice et les mouvements féministes mondiaux à faire pression sur les dirigeants, les agences onusiennes et les institutions internationales en utilisant tous les outils à notre disposition. « Le plus important c’est que les gens vivent en sécurité », déclare-t-elle.
De plus, les organisations qui travaillent sur le terrain ont besoin d’être mieux et plus amplement financées, aujourd’hui même.
Les recherches menées par le secteur humanitaire, la société civile féministe, les institutions multilatérales et les gouvernements nous confirment que les organisations de défense des droits des femmes, comme Project Seed, sont les mieux placées pour répondre aux besoins des communautés dans lesquelles elles œuvrent. En fait, nous savons que les femmes jouent un rôle crucial dans le processus de paix ; les accords de paix qui incluent les femmes sont 35 pour cent plus susceptibles de durer au moins 15 ans.
Malgré cela, les organisations de défense des droits des femmes demeurent largement sous-financées quand elles ont besoin d’un financement pluriannuel sans restriction. Les bailleurs de fonds doivent également examiner comment leurs méthodes internes et leurs exigences administratives aident ou entravent ces organisations dans leur capacité à s’adapter à des contextes changeants.
Hind rêve du jour où Project Seed pourra continuer à aider les femmes, en toute sécurité : « Quand je ferme les yeux, je vois un rêve qui vient de mon cœur. »
Photo avec l’aimable autorisation de DepositPhoto