Les signes avant-coureurs d’épuisement professionnel au sein du personnel des établissements de soins de longue durée étaient évidents longtemps avant que la COVID-19 ne fasse son apparition au Canada, avec son lot de conséquences tragiques. Pourtant, nos gouvernements ne se sont jamais attaqués adéquatement au grave problème de pénurie de main-d’œuvre qui sévit dans ce secteur.
Quand comprendrons-nous que la santé et le bien-être de la main-d’œuvre ont une incidence directe sur la qualité des soins et la qualité de vie des bénéficiaires?
Nous avons récemment publié, en collaboration avec des collègues, une étude qui montre que même avant la COVID-19, les gestionnaires des établissements de soins de longue durée au Canada présentaient un risque élevé d’épuisement professionnel. La pandémie n’a fait qu’exacerber un risque déjà existant.
Dans le cadre de notre étude, nous avons interrogé 302 gestionnaires provenant de 91 établissements de soins de longue durée choisis au hasard, situés en milieu urbain en Alberta, au Manitoba et en Colombie-Britannique, entre septembre 2019 et février 2020. Les gestionnaires avec qui nous avons communiqué ont dit faire preuve d’un grand cynisme et se sentir profondément épuisés émotionnellement, en dépit du fait qu’ils éprouvent un degré élevé de satisfaction professionnelle.
Or le cynisme et l’épuisement émotionnel sont tous deux des signes d’épuisement professionnel.
On sait que depuis des décennies, l’épuisement émotionnel, que l’on décrit comme le sentiment d’être émotionnellement débordé par son travail, est prévalent au sein de l’ensemble du personnel qui œuvre dans le secteur des soins de longue durée, et ce, partout dans le monde.
Notre étude nous a permis de constater que la surcharge de travail, le manque de temps et de soutien ainsi que la nécessité de régler les conflits entre employés constituent des facteurs contribuant à accroître le risque d’épuisement professionnel.
Les gestionnaires d’établissements de soins de longue durée ont une grande influence sur leur milieu de travail. Leur bien-être devrait donc être au centre des considérations visant à améliorer la qualité des soins offerts aux bénéficiaires et la qualité de vie au travail du personnel.
La grande majorité des gestionnaires à qui nous avons parlé sont des femmes d’âge moyen instruites et formées en soins infirmiers. Elles sont habituellement responsables d’au moins une unité de soins et s’occupent de bénéficiaires dont l’état de santé et la situation sociale présentent des enjeux complexes. Même si ces femmes disent tirer une grande satisfaction de leur travail, plus de 10 % d’entre elles ont rapporté éprouver un degré élevé d’épuisement émotionnel, et plus de 16 % ont affirmé faire preuve d’un degré élevé de cynisme.
Pour que ces dirigeantes veuillent demeurer en poste, elles doivent être reconnues pour le travail qu’elles accomplissent et bénéficier d’un soutien adéquat; il importe également d’apporter des changements de culture en milieu de travail.
Notre étude révèle que les gestionnaires d’établissements de soins de longue durée sont trop souvent négligés; elle nous permet de constater qu’il faut trouver des moyens de mobiliser les gestionnaires et leur fournir un soutien administratif ainsi que des ressources adéquates en matière de soins directs. Dans le contexte particulier de la COVID-19, il faudrait également trouver des moyens de concevoir des programmes de soutien et d’assistance mieux adaptés à leurs besoins.
Nous savons déjà que la fidélisation des gestionnaires d’établissements de soins de longue durée constitue un défi de taille. Si l’on ajoute à cela les effets dévastateurs de la pandémie, on se trouve face à un réel danger de perdre des dirigeantes et des dirigeants d’expérience dans le secteur des soins de longue durée, en situation de crise.
Le temps est venu, pour nos gouvernements, de s’attaquer au grave problème de la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur des soins de longue durée. Les bénéficiaires méritent des soins de qualité et, surtout, une bonne qualité de vie. Et les personnes qui prennent soin des plus vulnérables d’entre nous méritent également une bonne qualité de vie au travail.
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