Cette année, le budget du Manitoba laisse entrevoir une lueur d’espoir pour les familles d’enfants handicapés.
D’après les dossiers budgétaires, le gouvernement provincial a l’intention de dépenser 3 millions de dollars dans le courant de l’année prochaine pour faire bénéficier les familles des Premières Nations vivant dans les réserves des Services d’aide à l’intégration communautaire des enfants handicapés (CDS). Le gouvernement compte également octroyer 900 000 dollars de plus à ce programme pour faire face à l’augmentation du nombre de cas d’autisme.
Pour les familles qui ont du mal à accéder à des services pour leur enfant handicapé, l’annonce de ce financement est la bienvenue et aidera à redresser des torts historiques. Cependant, il ne devra s’agir là que du début des réformes. Si cela ne s’accompagne pas de changements dans le fonctionnement des CDS, les familles d’enfants handicapés continueront à passer à travers les mailles du filet.
Nous avons récemment publié un rapport pour le Réseau pour la santé du cerveau des enfants dans lequel nous avons répertorié et comparé les politiques provinciales et territoriales en matière de handicap dans le pays. Nous y avons inclus les témoignages de familles sur leur accès à des programmes et services pour leurs enfants handicapés.
Dans un sondage puis dans des discussions de suivi, les parents manitobains nous ont confié que, bien qu’ils applaudissent les CDS pour des mesures de soutien si grandement nécessaires – citons notamment les informations, les renvois, les soins de répit, les services d’autisme et les services de thérapie – les familles se heurtent encore à d’importants obstacles qui leur barrent la route lorsqu’elles ont besoin de se faire aider.
Selon elles, l’un des plus grands écueils consiste en un processus de demande fastidieux et interminable qui retarde l’accès à des mesures de soutien pendant des mois, voire des années.
Ainsi, l’un de ces parents nous a rapporté que, « nous avons rempli tous les formulaires. J’ai fourni toutes les évaluations et tous les documents que j’avais, puis j’ai envoyé le dossier et, au bout de deux ans, ils m’ont enfin répondu. »
D’autres parents se sont plaints du fait qu’ils ont dû envoyer une deuxième fois de la documentation déjà remplie car les CDS avaient égaré celle-ci.
Les parents ont également fait remarquer la longueur de l’attente pour des services à leur enfant, en particulier pour un diagnostic (dans certains cas, une évaluation d’autisme peut prendre jusqu’à deux ans).
Un diagnostic tardif empêche les enfants de recevoir le soutien dont ils ont besoin le plus tôt possible, ce qui les expose à un risque de retard dans leur développement et leur scolarité.
Un des parents a affirmé que, « à l’heure actuelle, les listes d’attente sont beaucoup trop longues pour nous donner en temps voulu le soutien dont nous avons besoin. Lorsque nous arrivons enfin en haut de la liste, soit le soutien n’est plus nécessaire, soit la situation a empiré. »
Dans certains cas, les familles sont découragées par la longueur de l’attente et paient de leur poche des services privés, ce qui grève leurs finances et soulève des questions sur l’accès équitable.
Une lourde charge de travail pour les gestionnaires de dossiers des CDS ne fait qu’exacerber le problème. Un parent a résumé les choses ainsi : « Les travailleurs sont débordés et ont souvent beaucoup trop de clients… c’est vraiment difficile d’entrer en contact avec la personne chargée de [notre] cas aux CDS. »
D’autres parents affirment qu’ils ont attendu des années avant de se voir assigner un gestionnaire de cas, ou bien ont eu affaire à plusieurs d’entre eux au cours d’une même année du fait d’un roulement de personnel fréquent.
D’autres encore se sont dits être frustrés par des normes de service fluctuantes, indiquant que, même si certains gestionnaires répondent rapidement et sont bien informés sur les programmes, les conditions d’admissibilité et les processus de demande, d’autres s’avèrent moins efficaces, et les familles ont ainsi un accès inégal à des services importants comme les soins de répit.
Les parents ont également fait remarquer que les services provinciaux aux personnes handicapées fonctionnent en vases clos. Ils ont ainsi critiqué le manque de coordination et de communication entre les CDS, les écoles et les services pour adultes handicapés, ce qui peut maintenir les familles dans l’ignorance à des moments clés de l’existence de leur enfant, comme au début de la scolarité de celui-ci ou lorsqu’il parvient à l’âge adulte.
Même si les obstacles auxquels se heurtent ces familles ne sont pas le propre du Manitoba – nos recherches ont révélé des problèmes similaires partout au pays – le gouvernement provincial a néanmoins une obligation en vertu de sa Loi sur l’accessibilité ainsi que d’un traité international auquel adhère le Canada pour garantir la nature inclusive et accessible de la province.
Le gouvernement a également fait un pas dans la bonne direction en s’engageant à combler des lacunes de services historiques pour les familles des Premières Nations vivant dans des réserves et en investissant davantage d’argent pour réduire les nombres de cas.
Il faut qu’il continue sur cette lancée en palliant les défaillances dans les services dont les familles se sont plaintes.
L’accessibilité, c’est bien plus que des politiques sur le papier. Le véritable critère consiste à déterminer si les programmes et services prévus par les politiques gouvernementales en matière de handicap répondent véritablement aux besoins des gens qu’ils sont censés aider.
Il est temps pour le gouvernement provincial de garantir l’accès des CDS à tous ceux qui en ont besoin. Les enfants handicapés et leur famille ne méritent rien de moins que cela.
Photo gracieuseté de DepositPhotos