Les gouvernements provincial et fédéral doivent agir!
La Chambre des communes a récemment été le théâtre d’un débat houleux sur l’avenir de l’éducation postsecondaire de langue française au Canada. « Le programme de langues officielles en éducation est gelé depuis des années », faisait remarquer le député de l’opposition Alexandre Boulerice. « En Alberta, le Campus Saint-Jean est carrément sous attaque par le gouvernement Kenney. En Ontario, l’Université Laurentienne est en train de lutter pour sa survie. »
Boulerice a raison de s’inquiéter.
Établie dans le nord de l’Ontario pour servir de carrefour de l’éducation postsecondaire aux membres des Premières Nations et communautés de langue française et anglaise de la région, l’Université Laurentienne obtenait en février dernier la protection de la cour contre ses créanciers, une première pour un établissement d’enseignement public au Canada.
Dans sa réponse au député Boulerice, le gouvernement libéral fédéral a rapidement rejeté la faute sur le gouvernement conservateur provincial, et ce, bien que les deux paliers de gouvernement aient leur part de responsabilité dans cette affaire. Dans l’ensemble du pays, les universités et collèges font l’objet d’un sous-financement gouvernemental systématique depuis des décennies maintenant.
La COVID-19 et ses confinements successifs ont eu des répercussions négatives sur les établissements postsecondaires, qui ont été largement exclus des mesures fédéral es et provincial es de soutien d’urgence. Or, les établissements postsecondaires des régions rurales et éloignées, qui servent des populations plus petites et habituellement moins nanties, et les établissements offrant une éducation autochtone et un enseignement de langue française sont encore plus vulnérables aux ralentissements économiques.
D’après ce que nous savons de l’insolvabilité de la Laurentienne, cependant, l’université connaissait des difficultés financières bien avant que frappe la pandémie.
Les données indiquent que les difficultés de la Laurentienne ne proviennent pas d’une baisse des inscriptions. Durant les dernières années, le nombre de programmes et d’étudiants de premier cycle de l’université n’a pas changé considérablement, tandis que le nombre de programmes et d’étudiants des cycles supérieurs a connu une hausse. Autrement dit, le « marché » de l’éducation dans le Nord se porte toujours aussi bien.
Selon les données, ce ne sont pas non plus les salaires du corps professoral qui ont placé l’université au bord du gouffre. Le nombre de membres à temps plein du corps professoral a baissé durant la dernière décennie.
Que s’est-il donc passé? La situation commence à se préciser. Par exemple, de mauvaises décisions relatives à la modernisation du campus ont été prises qui se sont soldées par des hypothèques énormes sur des édifices à moitié vides. Des administrateurs devront être tenus responsables de leur manque de transparence et de leurs bévues financières.
Cependant, ces décisions ont été prises sur fond de désinvestissement gouvernemental. En 2019, le gouvernement Ford a réduit les budgets des universités de la province de 360 millions de dollars, en réduisant dans un premier temps les droits de scolarité de 10 pour 100, puis en les gelant jusqu’à 2021. Ces compressions suivaient des années de sous-financement gouvernemental par rapport aux inscriptions. L’Ontario accorde le plus bas financement par étudiant des universités de tout le Canada.
Les fonds octroyés par le gouvernement fédéral pour l’éducation postsecondaire sont aussi en baisse. La dernière hausse ponctuelle des paiements de transfert aux provinces pour l’éducation postsecondaire s’est élevée à 800 millions de dollars en 2008.
Sans financement d’urgence, la Laurentienne continuera de souffrir ou devra fermer. Qu’elle survienne rapidement ou à petit feu, sa perte serait tragique pour nous tous.
La Laurentienne fournit une éducation à de nombreux étudiants sous-desservis et à faible revenu qui n’auraient autrement pas accès, ou pas accès à un coût abordable, aux universités des grands centres urbains. L’université emploie également environ 1 000 personnes, fournit un enseignement à plus de 9000 étudiants par année et effectue de la recherche de classe mondiale. Les universités améliorent également la vie culturelle de la collectivité. L’Université Laurentienne est un pilier de la ville de Sudbury.
Quand les difficultés financières de GM à Oshawa ont risqué de faire disparaître 2000 emplois, les gouvernements provincial et fédéral ont débloqué plus de 10 milliards de dollars en soutien d’urgence. Contrairement à GM, la Laurentienne s’est heurtée au silence et à l’inaction des autorités.
Les gouvernements provincial et fédéral doivent agir maintenant pour sauver l’Université Laurentienne. Dans l’immédiat, ils doivent fournir les fonds nécessaires pour protéger les emplois, les études des étudiants et le mandat unique d’établissement triculturel et bilingue de l’université.
Et nous devons également préparer l’avenir. Que la Laurentienne nous serve de mise en garde. Des décennies de sous-financement public de l’éducation ont miné la stabilité financière des universités et collèges du Canada.
Nous devons réparer le modèle cassé de l’éducation postsecondaire. Pour ce faire, Ottawa et les provinces doivent travailler ensemble. La Laurentienne doit survivre afin que notre système d’éducation postsecondaire puisse de nouveau prospérer.
Photo gracieuseté d’iStock