Le Canada traverse présentement une crise des soins primaires. À part les hôpitaux, les soins primaires sont le premier point de contact de la population canadienne avec leur système de santé, souvent par l’entremise d’un médecin de famille ou d’une infirmière praticienne. Malheureusement, on estime que 6,5 millions de Canadiens sont privés de médecin de famille ou d’infirmière praticienne.
Les plans d’action des gouvernements provinciaux pour contrer cette crise reposent en grande partie sur l’augmentation du nombre de professionnels de la santé, soit en créant plus de places dans les facultés de médecine et de soins infirmiers, et en recrutant des professionnels de la santé formés à l’étranger. Pourtant, ces mesures ne suffiront pas à résoudre la crise.
Il faut désormais réorganiser le travail du personnel de santé afin de mettre davantage à profit toute son expertise, réduire les chevauchements et améliorer la coordination des soins dispensés à l’extérieur des hôpitaux afin d’améliorer l’accès aux soins de santé primaires.
Aucun praticien ne peut tout faire à lui seul, car cette approche ne correspond plus à la réalité à laquelle les gens sont confrontés de nos jours. En effet, les patients — en particulier ceux qui souffrent de maladies chroniques ou complexes – sont mieux servis par une équipe de professionnels de la santé dont les compétences se complémentent.
Une approche qui repose sur le travail d’équipe permet de mieux répartir la charge de travail au sein des membres de l’équipe et permet à chacun d’entre eux d’optimiser davantage ses compétences et sa formation. Cela permet non seulement de prévenir l’épuisement professionnel, mais aussi d’améliorer la satisfaction au travail.
Un certain nombre de gouvernements provinciaux ont mis sur place davantage d’initiatives pour permettre à des équipes de soins de santé de travailler en collaboration. De nombreuses provinces mettent en œuvre de nouvelles méthodes de pratique, dont le Centre de médecine de famille, là où les médecins de famille travaillent en équipe avec d’autres professionnels de la santé pour offrir des soins accessibles et de haute qualité à leurs patients.
Mais le travail d’équipe efficace ne se produit pas par magie sans qu’il y ait une formation offerte et un encadrement approprié.
Dispenser une formation aux professionnels de la santé dans des équipes de soins primaires est un élément indispensable pour répondre à la crise actuelle qui sévit dans le domaine des soins primaires. Ce travail d’équipe repose sur la connaissance des compétences des uns et des autres et sur les possibilités d’apprendre à travailler ensemble.
De nombreux Canadiens seront peut-être surpris d’apprendre que peu de professionnels de la santé connaissent explicitement les rôles que chacun joue, ou pourrait jouer, dans les soins aux patients. Par exemple, divers professionnels de la santé, y compris les médecins, ignorent peut-être que les infirmières autorisées peuvent effectuer des examens médicaux annuels, dont des examens de dépistage à l’aide des frottis vaginaux, que les sages-femmes sont autorisées à prescrire des médicaments, que les ergothérapeutes jouent un rôle dans la prestation de services de santé mentale, que les audiologistes peuvent aider les personnes âgées ayant des problèmes d’audition à acquérir de nouvelles compétences en matière d’écoute et de communication, et que les pharmaciens sont autorisés à travailler en collaboration afin de prescrire des médicaments pour le traitement de maladies chroniques et de troubles mineurs.
Les soins primaires en équipe reposent sur le principe de la complémentarité, plutôt que de se substituer l’un à l’autre, dans la prestation de services de façon coordonnée afin d’améliorer l’accès aux soins de santé.
Sans l’acquisition de ces connaissances fondamentales, les professionnels de la santé ne savent pas comment travailler en équipe avec efficacité. Ce manque de connaissances peut mener à un manque de confiance et à des dédoublements de services et un manque réel de coordination, ce qui peut s’avérer coûteux en temps et en argent autant pour les patients que pour le système de santé.
Comme toute équipe, les équipes de soins primaires qui ont du succès doivent suivre une formation et s’entraîner ensemble pour apprendre à tirer parti de leurs forces respectives.
Cette idée n’est pas nouvelle. Il y a plus de 20 ans passés, la Commission sur l’avenir des soins de santé au Canadaaffirmait que : « Si l’on s’attend à ce que les prestataires de soins de santé travaillent ensemble et partagent leur expertise en équipe, il est logique que leur éducation et leur formation les préparent à travailler dans de telles conditions de travail. »
Un projet pilote novateur, subventionné par le gouvernement fédéral intitulé Équipe de soins primaires : Former pour Transformer vise à combler cette lacune fondamentale et considérable. Cette initiative comprend au-delà de 20 groupes de praticiens provenant de tous les domaines de soins primaires afin de créer du contenu, des outils ainsi que des approches de formation novatrices pour permettre à chaque membre de l’équipe professionnelle d’apprendre ensemble, les uns des autres, et de renforcer leur capacité à mieux travailler en équipe pour offrir davantage de meilleurs soins primaires.
Le projet mise sur l’amélioration de la formation de groupes spécifiques de praticiens de soins primaires et la formation dispensée aux équipes de soins primaires, tout en favorisant l’intégration de nouveaux prestataires – afin d’apporter des changements transformationnels à de nombreux niveaux. Il est essentiel de diffuser et de promouvoir les outils et les approches de ce projet, en comptant sur le soutien de plus de 100 partenaires d’organisations professionnelles et éducatives de santé dans l’ensemble du pays.
Il est grand temps que les professionnels de la santé apprennent à travailler en équipe.
Désormais, tous les gouvernements doivent collaborer avec les éducateurs et prestataires en soins primaires pour appuyer cette réforme indispensable de l’enseignement parmi la transformation des équipes de soins primaires. Ces changements bénéficieront à la fois aux patients, aux prestataires de soins et au système de santé.
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