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Comment assurer la responsabilité dans le secteur des soins de longue durée?

by Michael Wolfson
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Les souvenirs de la tragédie dans les établissements de soins de longue durée (SLD) du Canada lors de la pandémie s’estompent trop rapidement.  Cependant, cette tragédie n’était pas un accident; elle était le résultat d’une série de problèmes plus profonds liés à la manière dont les SLD sont financés, gérés et compris.  Sans une action concertée, ces problèmes continueront à s’aggraver et à s’amplifier avec le vieillissement de la population canadienne.

Pour résoudre ces problèmes, il faut agir sur plusieurs fronts, notamment sur les normes de fonctionnement, la dotation en personnel et le respect des droits des résidents des établissements de SLD.  Les actions les plus importantes constituent la base des principales recommandations d’un rapport de la Société royale du Canada (SRC) qui vient d’être publié.

L’une des raisons du dysfonctionnement des établissements de SLD au Canada est leur manque de visibilité générale. C’est seulement à cause de l’augmentation injustifiée du nombre de décès de résidents attribuable à la pandémie que ces faits ont été mis en lumière.  Cette visibilité tragique a donné lieu à une multitude d’actions de la part du gouvernement. Or, de nombreuses expériences nous ont appris que dès que les projecteurs s’éteignent, les actions s’affaiblissent.

L’une des principales recommandations du récent rapport de la SRC est la création d’un « cadre de responsabilité » robuste, qui est lui-même fondé sur des données solides.  Cette idée n’est pas nouvelle; l’Accord de 2003 des premiers ministres sur le renouvellement des soins de santé a également évoqué à plusieurs reprises la question de la responsabilité. Cependant, le soutien des gouvernements à l’égard des données sous-jacentes a diminué en l’espace de deux ou trois ans seulement, tout comme le soutien de l’éphémère Conseil canadien de la santé quelques années plus tard.

Afin d’éviter un nouvel échec, nous devons comprendre ce qu’implique un cadre de responsabilité et pourquoi il a échoué dans le passé.

L’une des raisons fondamentales de cette défaillance est la division constitutionnelle des pouvoirs. Les provinces et les territoires, qui ont la compétence principale en matière de soins de santé, ne veulent pas avoir à rendre des comptes au gouvernement fédéral, même si ce dernier leur verse des milliards de dollars provenant des contribuables canadiens. Toutefois, elles doivent rendre des comptes à leurs propres populations.

La seule façon pour les Canadiennes et les Canadiens de découvrir ce qui fonctionne ou non dans chaque région, quelles que soient leurs différences, est de comparer les données. Il s’agit là d’un rôle légitime pour le gouvernement fédéral.

Cela nous amène à la raison des défaillances passées : aucun gouvernement provincial ou territorial ne souhaite afficher un rendement médiocre dans quelque domaine que ce soit, surtout en matière de soins de santé.  En d’autres termes, « pourquoi tirer sur le messager si l’on peut simplement éviter qu’il y ait un messager? »

Face à cette résistance basée sur des intérêts individuels, il est évident que le gouvernement fédéral doit encourager la production de données normalisées nécessaires dans toutes les régions, puis veiller à ce que ces données circulent de manière à alimenter un cadre de responsabilité bien conçu.

Ce cadre devrait inclure des indicateurs clés, tels que les niveaux de personnel de soins directs par résident dans les établissements de SLD, ainsi que la fréquence des chutes entraînant des fractures et des hospitalisations.  Cependant, les flux de données doivent être beaucoup plus exhaustifs qu’une poignée d’indicateurs. Les analystes doivent être en mesure d’approfondir les données pour voir, par exemple, quels types de niveaux et de combinaisons de personnel sont associés aux taux les plus bas d’hospitalisations liées à des chutes, ainsi qu’à d’autres facteurs, notamment la langue et les déterminants sociaux de la santé.

Le gouvernement fédéral dispose d’importants pouvoirs constitutionnels pour mettre en œuvre les données nécessaires, notamment grâce à son pouvoir de dépenser et à son pouvoir d’assurer « la paix, l’ordre et le bon gouvernement ».

Le gouvernement fédéral semble prendre des mesures qui vont dans la bonne direction. Les principaux transferts d’argent annoncés en 2023 aux provinces et territoires comprennent 500 millions de dollars pour les données et attribuent un rôle central à l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS).

Pourtant, dans l’Accord de 2017 des premiers ministres sur le renouvellement des soins de santé, dans le cadre duquel des milliards de dollars du gouvernement fédéral ont été transférés pour les SLD, la santé mentale et la toxicomanie, tous les gouvernements ont convenu que l’ICIS devrait être chargé d’élaborer des indicateurs pertinents.  Trois ans après l’accord, l’ICIS n’avait publié qu’un seul indicateur relatif aux SLD, et celui-ci était basé sur des données hospitalières plutôt que sur des données relatives aux SLD.

L’ICIS fait de son mieux, mais il est sérieusement limité par les données qui lui sont fournies par les provinces et les territoires. Par exemple, les données relatives aux résidents des établissements de SLD ne sont pas liées aux niveaux de personnel, aux hospitalisations et à d’autres types d’utilisation des soins de santé, ni aux enquêtes menées auprès de toutes les personnes qui attendent d’avoir accès à des soins à domicile ou à des établissements de SLD.

Il est impossible pour les résidents provinciaux et territoriaux de demander à leurs gouvernements de rendre compte de leurs responsabilités en matière de SLD si les données disponibles sont biaisées et si les types de données les plus importants sont totalement inexistants.

Dans d’autres domaines, dont le PIB, le chômage et l’inflation, nous tenons pour acquis qu’il existe de nombreuses données sous-jacentes permettant d’analyser les tendances observées.  Les SLD méritent la même exhaustivité.

Il est grand temps que le gouvernement fédéral utilise tous ses pouvoirs constitutionnels.

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