Quatre milliards de dollars.
C’est ce que dépense le gouvernement du Québec pour attirer 170 000 travailleuses et travailleurs au cours des quatre prochaines années afin de pallier la grande pénurie de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs, comme les soins de santé, la garde d’enfants, les TI, le génie et la construction.
Selon le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, la pénurie de main-d’œuvre dans la province atteindra 1,4 million de postes vacants d’ici 2030.
Malgré le besoin urgent de travailleuses et de travailleurs immigrants, le Québec est derrière l’Ontario, la Colombie‑Britannique et l’Alberta en matière de rétention des personnes immigrantes. Ce retard peut s’expliquer de plusieurs manières, mais les nouvelles et nouveaux arrivants mentionnent le manque de reconnaissance de leurs compétences et de leurs titres de compétences, les obstacles à l’apprentissage du français ou les problèmes d’accès à la formation en français.
Le parcours d’immigration de ma propre famille est un exemple de la difficulté du Québec à retenir les personnes immigrantes.
En tant que famille francophone, notre destination de choix au Canada était Montréal. Toutefois, à notre arrivée, mon père a découvert que le parcours vers la reconnaissance des compétences au Québec était bien plus compliqué et beaucoup plus cher que prévu, même pour une personne immigrante qualifiée comme lui, qui détient une maîtrise et a exercé sa profession pendant 25 ans en Afrique.
Mon père a décidé de mettre de côté son rêve de travailler dans son domaine, comme de nombreuses personnes immigrantes confrontées à cette réalité, et a occupé d’autres emplois pour gagner sa vie et prendre soin de sa famille.
Quelques années plus tard, il a entendu parler d’un cours accéléré d’un an offert par une université en Ontario, qui pouvait l’aider à faire reconnaître plus rapidement ses compétences. Ma famille a alors décidé de quitter Montréal pour Ottawa, où elle vit encore à ce jour.
Malheureusement, ma famille n’est pas un cas isolé. Il pourrait en être autrement. Si les nouvelles Québécoises et les nouveaux Québécois sont soutenus et aidés, elles et ils seront plus nombreux à choisir de rester travailler ici pour contribuer à notre société.
- Boulet prévoit que l’immigration sera de plus en plus importante au Québec au cours des prochaines années. Les personnes immigrantes représentent 17 % de la population active dans la province. Selon les prévisions, leur contribution au PIB sera de près d’un milliard de dollars l’année prochaine.
Sans elles, on estime que le PIB du Québec serait inférieur de 66 milliards de dollars (15 %) d’ici 2025.
Pour que les travailleuses étrangères et travailleurs étrangers qualifiés s’installent au Québec et y restent, nous devons faciliter leur accès aux soutiens et à l’aide. Le gouvernement, le secteur privé et les acteurs de l’établissement au pays doivent prendre davantage de mesures pour réduire et éliminer les obstacles auxquels sont confrontées les personnes immigrantes.
Tout d’abord, les nouvelles et nouveaux arrivants doivent avoir accès à des programmes linguistiques spécialisés financés par le gouvernement. Plus de 72 % des personnes ayant récemment immigré au Québec ont comme langue maternelle une langue autre que le français ou l’anglais. De récentes modifications législatives, comme le projet de loi 96, pourraient avoir des conséquences imprévues et compliquer le chemin vers l’intégration complète pour les nouvelles Québécoises et les nouveaux Québécois qui essaient de s’établir professionnellement et socialement tout en apprenant une nouvelle langue.
Les personnes immigrantes ont également besoin d’une aide accrue en milieu de travail. Le Québec connaît un taux de chômage exceptionnellement bas, mais c’est également la province dans laquelle l’écart entre le taux de chômage des personnes immigrantes et celui des personnes nées au Québec est le plus élevé au pays.
Une aide accrue pour les personnes immigrantes pourrait prendre la forme d’une augmentation de la portée ou du financement d’initiatives telles que les Prêts pour la reconnaissance des titres de compétences étrangers (PRTCE), qui aident les nouvelles et nouveaux arrivants à couvrir le coût exorbitant lié à l’obtention d’une reconnaissance des compétences pour s’aligner sur les normes de pratique québécoises. Le partenaire sans but lucratif des PRTCE, Le Moulin Microcrédits, constate, chez les personnes immigrantes qualifiées qui reçoivent un prêt, une multiplication au moins par trois de leur revenu ainsi qu’une baisse de leur taux de chômage, qui passe de 42 % à 8 %.
L’amélioration des soutiens pourrait également comprendre un accroissement de l’efficacité des programmes conçus pour mettre les occasions d’emploi à la portée des nouvelles et nouveaux arrivants, afin de les rendre aussi accessibles que possible.
Le programme d’intégration des nouvelles et nouveaux arrivants d’Hydro-Québec offre une approche de soutien novatrice qui peut servir d’exemple aux autres employeurs. Le programme comprend l’offre de mentorat aux nouvelles et nouveaux arrivants ainsi que des soutiens et une formation pour l’établissement au pays.
Par-dessus tout, pour aider les personnes immigrantes à contribuer pleinement à la société québécoise, il faut s’attaquer à la discrimination systémique.
Les statistiques démontrent constamment que les personnes immigrantes, et en particulier les nouvelles arrivantes, sont désavantagées dans la province dans les domaines de l’emploi, du développement de carrière et des possibilités de croissance du revenu. Des solutions comme celles mise en place à McGill, notamment une formation sur les préjugés et une sensibilisation au savoir-faire culturel et aux pratiques d’embauche axées sur la diversité, doivent être adoptées dans les organisations de toutes les tailles, dans l’ensemble de la province.
Notre croissance et notre prospérité économiques nous permettent de payer nos programmes sociaux, de prendre soin de nos personnes âgées et de nos malades, de consolider notre infrastructure et d’améliorer notre niveau de vie. Toutes ces mesures sont rendues possibles par la bonne intégration des personnes immigrantes
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