Une fois encore, les provinces réclament avec insistance que le gouvernement fédéral leur alloue plus d’argent pour les soins de santé, sans qu’il y ait d’obligation en contrepartie. Ce sont les mêmes provinces qui pendant des décennies, ont nettement sous-financé les soins de longue durée. Comme nous pouvons le voir en temps réel, plusieurs provinces s’empressent à la dernière minute d’avoir sous la main les données leur permettant de comprendre et de gérer la pandémie, et plus récemment de procéder aux vaccinations.
Bien sûr, le gouvernement fédéral ne devrait pas céder à ces demandes provinciales injustifiées.
Du point de vue constitutionnel, le gouvernement fédéral a tout à fait le pouvoir, malgré ce que disent les provinces, de jouer toutes sortes de rôles dans le secteur de la santé. Les provinces ne se sont jamais opposées aux milliards de dollars que déverse le gouvernement fédéral dans la recherche en santé chaque année. Toutefois, bon nombre de provinces ont encore des pratiques moyenâgeuses lorsqu’il s’agit de recueillir les données indispensables pour comprendre comment s’effectue la prestation des soins de santé et pour les mettre à la disposition de la recherche sur les services de santé essentiels.
Les concessionnaires d’automobiles et les compagnies aériennes possèdent depuis des années de bien meilleurs systèmes informatiques pour faire le suivi de la santé de votre voiture et de tous les sièges d’avion dans le monde. Les grands fabricants de logiciels ne recueillent pas seulement d’énormes volumes de données sur plusieurs d’entre nous avec leurs technologies en temps réel, ils font sans cesse des expériences pour voir ce qui nous incitera à cliquer davantage sur leurs sites et sur leurs annonces.
Pourtant les autorités de la santé publique peinent à établir un lien avec nos tests de COVID-19, nos vaccinations et les visites à l’hôpital, puisque dans plusieurs cas, ces systèmes informatiques fonctionnent en vase clos.
Alors, pourquoi reproche-t-on au gouvernement fédéral de demander aux provinces de mettre en place des systèmes convenables de données en temps réel si elles veulent recevoir plus d’argent? En effet, la constitution attribue expressément au gouvernement fédéral la compétence pour les statistiques et du même coup, l’autorité de jouer un rôle de premier plan dans les systèmes de données sur la santé dans les provinces.
Le gouvernement fédéral doit nous rendre des comptes dans notre rôle de contribuables fédéraux et pas seulement dans celui de contribuables provinciaux. Il incombe au gouvernement fédéral de veiller à ce que toutes les sommes d’argent qui sont versées aux provinces soient utilisées aux fins prévues.
Si le transfert de fonds est destiné aux soins de santé, une province ne peut pas se servir de cet argent pour financer les baisses d’impôt. Si des sommes ont été transférées dans le but d’inciter les provinces à améliorer l’état particulièrement lamentable des soins de santé, il est alors tout à fait raisonnable que le gouvernement fédéral impose aux provinces des conditions à respecter pour dépenser l’argent, à savoir la collecte de données et la production de rapports de manière à s’assurer que les promesses des provinces valent bien plus que des paroles en l’air.
Ces conditions sont plus que raisonnables, elles reposent sur les compétences constitutionnelles du gouvernement fédéral portant sur le pouvoir de dépenser ainsi que sur la paix, l’ordre et une bonne gouvernance.
En même temps, le gouvernement fédéral doit absolument en faire davantage. Par exemple, dans le dernier discours du trône, le gouvernement fédéral s’est engagé à jouer un rôle de premier plan dans l’élaboration de normes nationales pour les soins de longue durée. Mais on peut se demander comment sera atteint cet objectif lorsqu’il n’existe pratiquement aucune donnée comparable à l’échelle nationale sur les aspects les plus importants de la qualité des soins de longue durée, à savoir les ressources humaines.
Il y a plusieurs mois, le gouvernement fédéral a négocié l’achat des vaccins contre la COVID-19. Cette période de transition aurait dû être plus que suffisante pour veiller à ce qu’un système national soit également mis en place lorsque les vaccins ont commencé à arriver afin de faire le suivi du déroulement de la distribution des vaccins.
Oui, on peut et on doit laisser à chaque province le soin de déterminer la répartition des vaccins. Toutefois, avec le véritable fouillis des systèmes actuels d’ordinateurs, de télécopie et de courriel, il est impossible de faire le suivi en temps réel de ce qui se passe dans l’ensemble du pays. De plus, il n’existe aucun moyen d’établir un lien entre les vaccins et les augmentations et les baisses des éclosions à un niveau de détail requis pour orienter la politique de confinement.
Les soins de santé et la santé publique constituent fondamentalement des industries du savoir. De toute évidence, ils doivent être alimentés par des organismes qui ont su tirer des leçons de leur expérience. Mais il est impossible de profiter de telles leçons si l’on ne dispose d’aucun moyen de savoir ce qui se passe vraiment.
La collecte et l’analyse de données pertinentes constituent des outils indispensables.
Il est grand temps que le gouvernement fédéral se tienne debout et qu’en plus de dire qu’il travaillera en collaboration avec les provinces, y mette un peu de nerf pour répondre aux préoccupations pancanadiennes.
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