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Attention aux antibiotiques

by Patrick Quail
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Et en quoi ces habitudes touchent tout le monde

Des efforts considérables sont déployés dans le monde pour sensibiliser les professionnels de la santé et les patients à l’importance d’éviter de prescrire inutilement des antibiotiques. Selon un nouveau rapport, pas moins de 14 personnes au Canada meurent chaque jour à cause de la résistance aux antibiotiques. À l’échelle mondiale, 700 000 décès sont attribués chaque année à l’antibiorésistance, chiffre qui devrait atteindre les 10 millions d’ici une trentaine d’années.

Au Canada, beaucoup pourraient être surpris d’apprendre que les foyers de soins de longue durée sont particulièrement préoccupants pour ce qui est de la prescription abusive d’antibiotiques.

Même s’il est bien intentionné, l’usage inapproprié d’antibiotiques en ces lieux peut contribuer à la prolifération des bactéries antibiorésistantes et causer d’autres infections graves comme celles transmises par la bactérie C. difficile, tant au sein des foyers de soins de longue durée eux-mêmes qu’à l’extérieur de ces établissements. La surprescription dans un domaine particulier touche tout le monde.

Au Canada, plus de 300 000 personnes vivent dans des établissements de soins de longue durée. L’éventuelle présence d’une infection des voies urinaires représente l’une des raisons les plus communes de la prescription d’antibiotiques chez les résidents de ces établissements.

Des études montrent que dans les établissements de soins de longue durée, plus de 50 pour cent des résidents auront des bactéries dans leur urine, mais les bactéries dans l’urine ne signifient pas nécessairement que ces personnes ont une infection et qu’elles ont besoin d’antibiotiques. L’urine des personnes âgées contient souvent des bactéries inoffensives qui ne causent aucune infection. Ce phénomène s’apparente plutôt à la colonisation qu’à l’infection.

De plus en plus, les professionnels de la santé comme moi-même, qui exercent dans le secteur des soins de longue durée, jouent un rôle de premier plan sur cette question. Nous parlons de ce problème à nos collègues, aux résidents des établissements de soins de longue durée et à leur famille et tentons de changer les habitudes et la culture en ces lieux.

Choisir avec soin, une campagne nationale visant à amorcer des discussions entre professionnels de la santé et patients sur la surutilisation des antibiotiques, a mis sur pied une initiative spéciale ciblant les foyers de soins de longue durée. Cette initiative vise à encourager les médecins et le personnel infirmier à « réfléchir avant de prélever » et à éviter de se précipiter sur les tests d’urine lorsqu’il y a un changement dans l’état de santé d’un patient, sans tenir compte des autres causes possibles.

Les résidents à qui nous prodiguons des soins dans les établissements de soins de longue durée sont de plus en plus fragiles et leur état de santé est de plus en plus complexe. Ce sont souvent des personnes âgées, parmi lesquelles beaucoup sont atteintes de démence. Pendant des années, on a enseigné aux étudiants en médecine et en soins infirmiers qu’un changement de comportement chez les personnes âgées atteintes de démence pouvait être attribuable à une infection des voies urinaires. Ces patients peuvent avoir de la difficulté à exprimer leurs besoins, ce qui fait que nos hypothèses sont parfois erronées.

Souvent, nous sommes dans l’impossibilité de demander à nos patients s’ils ressentent les symptômes physiques associés aux infections urinaires, par exemple si ça brûle lorsqu’ils urinent. Par conséquent, nous devons prendre des précautions supplémentaires et effectuer un examen approfondi du patient en contexte clinique afin de déterminer s’il a bel et bien une infection et s’il a réellement besoin d’une antibiothérapie.

De nombreuses autres causes peuvent expliquer un changement de comportement. Nous devons également assurer une communication efficace avec les membres de la famille des résidents et avec les proches aidants afin de veiller à ce qu’ils comprennent les risques et les dommages liés à la prise inutile d’antibiotiques.

La conversation peut être entamée au moyen de ces trois simples questions :

1) Les antibiotiques sont-ils vraiment nécessaires dans ce cas?

2) Quels sont les risques?

3) Y a‑t‑il des options plus simples et plus sécuritaires?

Nous devons éviter les médicaments puissants comme les antibiotiques lorsqu’ils ne sont pas nécessaires et les réserver aux moments où ils le seront réellement. Ainsi, nous pourrons non seulement améliorer les soins prodigués aux résidents des foyers de soins de longue durée, mais également réduire la résistance aux antibiotiques pour tout le monde. La modification des pratiques de prescription dans les établissements de soins de longue durée constitue une étape importante pour atteindre cet objectif.

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