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Prestation canadienne pour les personnes handicapées : n’oublions pas le handicap invisible

by Gj Huxley
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Maintenant que les libéraux ont obtenu un renouvellement de mandat, tout semble indiquer que la question de la prestation canadienne pour les personnes handicapées reviendra sur la table. Tout juste avant la relâche estivale, un projet de loi en ce sens avait d’ailleurs été déposé en Chambre par le gouvernement libéral dans le cadre de son « plan pour l’inclusion des personnes en situation de handicap », présenté à l’origine dans le discours du Trône de 2020.

L’adoption d’une telle prestation promet d’être un moment historique — car elle représentera une première pour toute administration fédérale, ainsi qu’une admission qu’il faut en faire davantage pour sortir de la pauvreté les personnes en situation de handicap.

Si je soutiens une pareille mesure, c’est parce que je sais que c’est la chose à faire. Éliminer la pauvreté chez les personnes en situation de handicap améliorerait la vie d’innombrables citoyens et citoyennes qui, comme moi, sont trop souvent laissés pour compte par nos institutions sociales, alors qu’ils devraient jouir de chances égales de participer à la vie sociale.

Malgré tout, il ne faudrait pas oublier les personnes dont le handicap est invisible.

Je suis moi-même un survivant de la psychiatrie neurodivergent et je vis avec un handicap psychosocial invisible. En d’autres termes, mon cerveau ne fonctionne pas comme la plupart des autres cerveaux et les traitements psychiatriques n’ont pas aidé malheureusement. Depuis l’adolescence, je dois me démener pour accéder aux études et à l’emploi et me bâtir une vie digne qui me permet de redonner à la société.

La stigmatisation du handicap est omniprésente; elle peut s’avérer particulièrement néfaste pour les personnes dont l’incapacité est invisible. En effet, nous devons sans cesse prouver que nous avons besoin de soutien; nous sommes objets de méfiance aux yeux de ceux et celles qui nous soupçonnent de jouer la comédie. Le phénomène est d’ailleurs si répandu que j’ai moi-même mis des années à admettre que mon état de santé mentale était handicapant.

Même si toute ma vie j’ai peiné pour m’intégrer à l’école ou occuper un emploi, j’avais intériorisé l’idée qu’avoir besoin de soutien et de mesures d’adaptation était honteux et que je devrais être capable de réussir sans aide.

La stigmatisation a aussi une incidence sur nos rapports avec les professionnels de la santé.

Même lorsque j’étais à l’université, mon médecin, qui avait entériné mon inscription comme étudiant handicapé, ce qui m’a permis de bénéficier d’aménagements qui m’ont aidé à réussir mes études, avait refusé de confirmer ma situation de handicap dans d’autres contextes. Il était catégorique : même si j’avais besoin de mesures d’adaptation en tant qu’étudiant vivant avec un trouble de santé mentale, le fait de m’identifier comme personne handicapée après l’obtention de mon diplôme ne pourrait que me créer des difficultés. Si seulement c’était si facile!

Mon médecin semblait davantage préoccupé par l’idée de m’accoler une étiquette que par l’éventualité que je finisse pauvre et au chômage. Or c’est ce qui s’est produit.

J’ai obtenu mon diplôme de baccalauréat parmi les premiers de ma cohorte, après quoi j’ai entamé des études de deuxième cycle avec l’objectif de devenir professeur. C’est là que je me suis heurté à un mur. Les mesures d’adaptation qui m’avaient permis de réussir au premier cycle ne m’étaient plus d’aucune utilité face aux exigences d’un programme de maîtrise. Puis la pandémie est arrivée et j’ai laissé mes études en plan afin de m’occuper de mon fils.

J’ai cherché du travail, mais aucun des emplois que j’ai trouvés ne répondait à mes besoins sur le plan de ma santé et de mes obligations parentales. Comme bien d’autres personnes en situation de handicap qui cherchent à résoudre leurs problèmes d’argent, j’ai décidé de me tourner vers le travail autonome. Toutefois, je me suis vite rendu compte que j’aurais épuisé toutes mes économies avant même de me lancer en affaires. J’ai alors fait une demande de prestation à un programme pour personnes handicapées auquel je me croyais admissible, pour découvrir que je ne répondais pas aux critères.

Je fais donc partie des nombreuses personnes oubliées par les programmes de soutien offerts au Canada. La prestation canadienne pour les personnes handicapées constitue un pas en avant.

La population doit maintenant faire pression auprès du gouvernement fédéral afin que toutes les formes de handicap soient prises au sérieux, y compris celles qui sont invisibles, comme dans mon cas. Voilà l’une des raisons qui ont mené à la création récente du mouvement Le handicap sans pauvreté, une organisation citoyenne menée par des personnes handicapées. Ensemble, nous demandons que le programme de prestations à venir incorpore certains principes fondamentaux — et pour un grand nombre d’entre nous, il n’arrivera pas trop tôt.

Les critères d’admissibilité au programme devraient être simples et uniformes d’un bout à l’autre du pays; un processus de demande distinct devrait être prévu pour les personnes non admissibles aux programmes actuels et la nouvelle prestation être mise en œuvre sans délai.

Il faut moderniser notre filet de sécurité sociale; l’adoption de mesures accessibles aux personnes dont le handicap est invisible devrait en faire partie. L’adoption d’un programme visant à éliminer la pauvreté chez les personnes handicapées donnera aux gens comme moi une chance de réussir et de redonner à nos communautés — une chance à laquelle tous les citoyens et citoyennes devraient avoir droit.

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Photo reproduite avec l’aimable autorisation d’iStock

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